Chantre d’un nouveau modèle agricole, l’initiative Triple A (Adaptation de l’Agriculture Africaine) fait du bruit à la Cop 22. Les Marocains veulent la mettre au centre des actions sur le climat.
Un stand de 900 mètres carrés, des projections 3D sur l’état de la planète en 2040, une agora réservée aux débats sur l’agriculture et la sécurité alimentaire….Pour cette Cop 22, le ministère de l’Agriculture marocain a vu grand.
Un an après les accords de Paris qui ont vu la reconnaissance pour la première fois du rôle de l’agriculture et de la forêt dans la lutte contre le changement climatique, le Maroc a lancé son initiative Triple A (Adaptation de l’Agriculture Africaine). Sujet oublié du climat, l’agriculture a été longtemps considérée comme un problème et non comme une solution du fait de l’augmentation des émissions de carbone dégagés par les sols.
« Or, cette augmentation est due à des techniques agricoles inadaptées, qui ont endommagé les matières organiques dans les sols, les empêchant de séquestrer du carbone », précise un expert des questions climatiques.
Des ressources inestimables
L’idée est d’améliorer le stockage de ce gaz dans les terres africaines en agissant sur quatre volets: l’accroissement de la fertilité des terres, la maîtrise de l’eau, la gestion des risques climatiques et la mise en place de solutions de financement adaptées pour les agriculteurs.
L’Afrique représente 30% du potentiel d’atténuation mondial des forêts et 20% du potentiel d’atténuation mondial des sols. « Tout le monde dit que l’Afrique est le futur grenier du monde, mais si on n’en prend pas soin, le grenier deviendra une tombe », s’alarme Nadia Mrabit, directrice développement du groupe Éléphant Vert, une firme suisse spécialisée dans la production des bio-fertilisants et de bio-pesticides.
Question de sécurité alimentaire
Installée au Maroc depuis 2012, elle a été retenue par le ministère de l’Agriculture marocain dans une liste de 50 projets qui s’inscrivent dans l’esprit de la Triple A. Son idée : le bio-blending (fabrication des engrais à partir de déchets organiques), qu’elle applique au Maroc, où elle a deux usines, mais aussi à Ségou au Mali, où elle en possède une troisième. « Les terres africaines ne sont pas les mêmes. Pour chaque type de sol, il faut une approche intégrée qui respecte les circuits courts : un produit, une formation et un financement adaptés », précise la responsable.
Vingt pays africains ont apporté leur soutien à la Triple A. Ils savent qu’au delà de l’enjeu climatique, c’est leur sécurité alimentaire qui est en jeu. Les deux tiers des terres arables africaines pourraient être perdus d’ici 2025 à cause des perturbations climatiques, et les experts estiment que la baisse des rendements agricoles pourrait atteindre 20 % en 2050, quand, en même temps, la population africaine est amenée à doubler.
Dans les couloirs de la Cop, le ministre de l’Agriculture marocain, Aziz Akhannouchmultiplie les rencontres avec les bailleurs de fonds afin de bénéficier de la cagnotte des 100 milliards de dollars promise par les pays développés en faveur de ceux du Sud.
Pour le moment, son initiative reste un joli croquis, tracé par un cabinet prestigieux de la place, le Boston consulting group (BCG), mais dont la mise en oeuvre nécessitera un engagement sur la durée. « Car il faudra fédérer les agriculteurs africains, les aider à monter des projets bancables, soumettre ces derniers aux organes de financement, mobiliser, lobbyer… », fait remarquer un haut responsable français participant à cette Cop.
Source: JeuneAfrique