E-commerce, M-banking: l’Afrique s’investit

media

Barcelone accueille à partir de lundi 22 février 2016 le Congrès mondial de la téléphonie mobile. Rendez-vous incontournable pour les constructeurs et les opérateurs qui viennent y présenter leurs nouveautés et sonder un marché innovant. Focus sur l’internet mobile en Afrique.

On parle souvent de saut technologique quand on parle du mobile en Afrique. Et pour cause. Le continent compte aujourd’hui plus de 986 millions de mobiles, un chiffre supérieur à celui des Etats-Unis et de l’Europe. Le passage par la téléphonie filaire a tout simplement été ignoré. Conséquence, près de 82% de la population est aujourd’hui équipée.

Si tout le monde n’a pas forcément un smartphone, les choses bougent. Karim Koundi, en charge du secteur télécommunications, médias et technologies pour l’Afrique au sein du cabinet Deloitte, estime que le nombre de smartphones devrait doubler d’ici 2017 pour atteindre 350 millions d’unités. Deux raisons sont à l’origine de ce phénomène explique le chercheur : l’arrivée sur le marché africain des smartphones à bas coût, notamment de marque chinoise – aujourd’hui on trouve des appareils autour de 25 euros – et le développement du marché de l’occasion partout dans le monde.

Et preuve que le prix n’est décidément plus un problème une entreprise indienne a lancé pas plus tard que la semaine dernière un smartphone à 3,3 euros.

La bancarisation via le mobile

Mais avant même l’arrivée du smartphone, la téléphonie mobile a profondément modifié le quotidien dans certains pays Africains avec notamment le mobile banking, la banque via mobile. Et un pays est pionnier dans ce secteur : il s’agit du Kenya, explique Jérémy Hodara, cofondateur d’Africa Internet Group, une entreprise leader sur le continent dans le commerce en ligne. Dans ce pays, le gouvernement a encouragé la mise en place de M-Pesa, un système de microfinancement et de transfert d’argent par téléphone mobile.

« Cela a contribué à la bancarisation de l’ensemble du pays et aujourd’hui on arrive à une situation où la majorité du PIB du Kenya est opéré à travers ce système de paiement », souligne Jérémy Hodara. « Aujourd’hui, tout le monde l’utilise, pour tout type d’opération, pour payer ses factures, ses impôts, pour payer dans les commerces. Ça remplace la carte bleue et le chéquier et c’est une alternative au paiement en liquide très répandu en Afrique », explique ce jeune patron qui a tout misé sur le développement du e-commerce en Afrique.

Si la situation au Kenya est exceptionnelle – on estime que les trois quarts du produit intérieur brut (PIB) sont concernés par le mobile banking – le phénomène se développe en Afrique, notamment en Tanzanie et en RDC où une partie des fonctionnaires et des militaires sont payés de cette manière. « Mais si les taux de bancarisation via mobile en Afrique sont très largement supérieurs à ceux de l’Europe, ils restent très en deçà de ceux du Kenya », précise Jérémy Hodara. « Chaque banque, chaque opérateur téléphonique, dispose de son propre moyen de paiement mobile et la compétition qui existe ne permet pas d’avoir un taux aussi important qu’au Kenya », ajoute-t-il.

La fracture numérique existe déjà modifie

Autre phénomène et non des moindres qui modifie en profondeur les habitudes de consommation en Afrique, l’explosion du e-commerce. L’un des pays pionniers est sans conteste le Nigeria avec des sites comme Konga ou Jumia. Ce phénomène, Jérémy Hodara en est un des témoins privilégiés. « Quand on se balade sur les marchés africains, on remarque que de plus en plus de commerçants affichent sur leur porte les logos des différentes plateformes sur lesquels ils mettent en vente leurs produits », note celui qui a lancé Jumia au Nigeria, un site de commerce en ligne présent aujourd’hui dans une vingtaine de pays. « Ces commerçants font autant de ventes en ligne que dans leurs échoppes. Ils considèrent vraiment ces sites comme étant leur petite boutique en ligne. Ils basculent tout de suite du semi-informel au très professionnel sur Internet », souligne-t-il.

A lire et écouter : Tidjane Dème, responsable sénégalais de l’Afrique francophone chez Google. Il était l’invité de la rédaction Afrique de RFI ce lundi.

Sans compter que cette révolution de l’internet mobile ne touche pas uniquement les populations des grands centres urbains, comme l’explique Emmanuel Vivier, cofondateur du Hub Institute. Il rappelle notamment que le secteur agricole est encore très important en Afrique. « Les pêcheurs ou les agriculteurs, via un certain nombre d’applications, vont pouvoir consulter les cours des différentes denrées, échanger au bon prix, voire faire directement leurs transactions », souligne cet expert digital qui accompagne les acteurs économiques dans leur transformation numérique.

Banque, santé, commerce, éducation, emploi … Les retombées en terme de développement sont indéniables. Encore faut-il que les infrastructures suivent. Or la fracture numérique existe. Elle risque de générer une fracture sociale et économique. Et c’est là aujourd’hui le grand défi que doivent relever les Etats africains.

RFI