Malgré l’instabilité politico-militaire qui secoue la région, malgré les menaces du gouvernement de Bagdad et surtout malgré l’hostilité de la Turquie voisine, rien ne semble arrêter le Kurdistan Irakien. En effet, contre toute attente, les autorités de cette région autonome située à plus de 300 Km de Bagdad décident finalement de maintenir le referendum d’indépendance de la province ce lundi 25 Septembre 2017. Et ce, en dépit de tous les appels lancés de part et d’autre à l’endroit du président Régional du Kurdistan, Massoud Barzani de suspendre ce scrutin, qui, selon le gouvernement Irakien représente une menace sérieuse pour l’unité du pays.
Même cri de cœur de la part des Etats voisins, comme l’Iran et la Turquie qui soutiennent que ce referendum constitue dans une large mesure une menace pour la stabilité politique de la région.
En outre, même si la position des occidentaux reste encore confuse sur ce sujet, certains pays comme les Etats unis ont affiché leur opposition à ce referendum d’indépendance du Kurdistan.
Mais quel qu’en soient les conséquences, la bataille est désormais engagée entre Bagdad et Erbil.
LES RAISONS QUI ONT PRÉVALUES À UNE TELLE DÉCISION !
Devenu autonome vis à vis du gouvernement central de Bagdad depuis 1970, le Kurdistan Irakien n’a jamais caché sa volonté d’être un Etat souverain.
Mais cependant, connaissant la réalité sociologique du pays, surtout depuis la mort de Saddam, l’on pourrait bien comprendre que des raisons à la fois internes et externes seraient à l’origine de ce referendum.
DES RAISONS INTERNES !
Avec une superficie de 500 milles Km2 et une population de 44 millions d’habitants, cette grande province n’approuve pas la marginalisation dont elle dit toujours avoir subi de la part du gouvernement central. Toute chose qui se matérialise par une accumulation des frustrations politiques et sociales dans cette partie du pays.
Mais toujours est-il que, l’envahissement de la province par les terroristes de Daesh en 2014 a bien évidement intensifié les frustrations au sein de la communauté Kurde.
D’autant plus qu’elle n’aurait pas bénéficié d’une assistance militaire de Bagdad pour chasser Daesh de la région. À cet effet, pour bon nombre d’observateurs, ce referendum était inévitable après la libération de la ville des mains de Daesh.
Car ces frustrations accumulées étaient en train de se transformer dans une large mesure en haine ethnique et religieuse entre Kurdes et Arabes. Toute chose que l’on pouvait lire sur le visage des autorités régionales du Kurdistan, qui, chaque jour éprouvaient un sentiment d’abandon total, surtout en ce qui concerne la sécurité et le partage des ressources du pays.
Mais toutefois, vue la situation actuelle de l’Etat Irakien, caractérisée par un démentiellement politique total et une chute économique sans précèdent, tout porte à croire que ce referendum est bien parti. Car aucun obstacle majeur ne semble se dresser à l’interne.
LES RAISONS EXTERNES !
Après le flou entretenu dans ce sens par la communauté internationale, l’influence de certaines puissances occidentales sur la vie politique du Kurdistan a été très remarquée ces derniers temps.
L’on se rappelle que depuis 2015, les Etats unis et certains pays Européens livrent régulièrement des armes aux autorités de la région, pour disent-ils, appuyer la lutte contre Daesh.
Plus loin de là, ils ont continué à apporter largement leur soutien aux combattants Kurdes, qui se battent contre Daesh en Syrie.
Mais comme l’on constate déjà, cette attitude a été largement dénoncée par la Turquie, qui voit en cela une manœuvre de l’occident visant à concrétiser la création d’un Etat Kurde au Moyen Orient, comme ça été le cas avec la création de l’Etat hébreux d’Israël.
Mais à l’allure où vont les choses, cette volonté cachée de l’occident semble bien être démasquée cette fois ci. Surtout quand le referendum intervient dans un contexte de crise diplomatique entre la Turquie et l’union Européenne d’un côté, et de l’autre entre l’Iran et les Etats unis.
À cet égard, pour parvenir peut-être à déstabiliser le régime du président Erdogan, les Européens et les Américains trouvent nécessaire d’installer un Etat Kurde à quelques kilomètres de la Turquie. Car ils n’approuvent pas la lutte que l’armée Turque mène actuellement contre les Kurdes en Syrie, mais également et surtout le rapprochement en cours entre Ankara et Moscou.
Il faut par ailleurs souligner à ce niveau la géopolitique de la région, qui reste largement favorable à l’Iran. D’autant plus que le pays de Hassan Rohani a toujours ses alliés au pouvoir en Irak comme en Syrie, et dans une moindre mesure au Liban avec le puissant Hezbollah qui reste influent encore dans ce pays.
Comme pour dire que Washington et ses alliés pourraient bien jouer en faveur de ce referendum, qui débouchera forcement sur la mise en place d’un Etat Kurde en territoire Irakien. Une éventualité qui leur permettra enfin de s’y implanter pour renforcer leur position vis à vis de l’Iran d’une part, et de la Turquie d’autre part qui semble déjà tourner le dos à l’occident.
Celle-ci reste une hypothèse très probable, car les relations tendues entre l’Allemagne et la Turquie depuis le coup D’État raté contre le régime d’Erdogan en Juillet 2015 reste toujours une illustration parfaite pour comprendre le divorce en cours entre Ankara et l’union Européenne.
LES CONSÉQUENCES ÉVENTUELLES D’UN ÉTAT KURDE !
À l’interne comme à l’externe, celles-ci risquent d’être énormes. Tout d’abord ce referendum qui débouchera sur l’indépendance du Kurdistan, marquera le début d’une coexistence difficile entre ce nouvel Etat et ses voisins de la région.
Toute chose qui ne sera pas facile, car de Téhéran à Ankara en passant par Bagdad et Damas, un Etat Kurde est toujours mal vue par ces pays. Certains d’ailleurs n’hésitent même pas à simuler cela à un second Etat hébreux, qui deviendra dans le futur un facteur d’instabilité régional.
L’on se rappelle déjà que la Turquie mène par fois des opérations militaires dans cette province, qui est accusée par Ankara d’entretenir des groupes terroristes. S’il faut désormais transformer cette province en Etat légal, tout porte à croire qu’un conflit armé pourrait éclater prochainement entre les deux pays.
En plus de l’aspect régional, les positions qu’adopteront les autres puissances internationales diviniseront sans doute une nouvelle donne de la géopolitique internationale au Moyen Orient.
Mamadou Moussa Diallo pour Journal Guinée
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