Afrique: Des présidents à refaire pour la symbolisation de l’institution présidentielle !!!
Il est établi que, de façon générale, la recherche ou l’accumulation du pouvoir cache quelque part, en réalité, un complexe, une faiblesse. Valable pour l’Etat en Afrique, cette assertion l’est aussi, par ricochet, pour ses « maîtres ». La faiblesse de l’Etat africain, sa dépendance, connue de tous, l’est dans les relations de ces Etats avec les puissances occidentales essentiellement et sous différentes formes : économique, militaire, financière et technique.
Par conséquent, affubler les dirigeants de ces Etats de prérogatives exorbitantes, alors qu’ils ne disposent quasiment pas de parade face aux Etats puissants, dans le cadre des relations internationales où prime d’abord et avant tout l’intérêt, a un effet pervers majeur : c’est celui de les exposer, d’accentuer leur faiblesse, leur dépendance et la manipulation, au détriment des intérêts nationaux.
Dans le portrait du chef d’État africain qu’il scrute, le Pr. Conac note justement que « La puissance apparente des chefs D’États africains peut dissimuler une réelle faiblesse. Leur influence est parfois très limitée et leur marge de manœuvre des plus étroites.
Dépendant de l’étranger économiquement, financièrement, techniquement et quelquefois militairement, ils doivent tenir compte de la volonté et des intérêts des partenaires qui leur apportent leur concours ».
Chefs d’État formellement, ils deviennent en fait, au risque d’être « éjectés », les représentants de la volonté et des intérêts étrangers qui, en contrepartie, leur assurent soutien.
De façon subtile, mais sans équivoque, Sassou-Nguesso, chef d’État du Congo-Brazzaville ne dément pas cette vision lorsque, dans son discours d’ouverture de la fameuse conférence nationale, le 25 février 1991, il conclue et souligne « combien ceux qui nous observent nous jugeront sans la moindre indulgence ».
Cette situation laisse ainsi penser qu’il est dans l’intérêt des puissances étrangères de maintenir l’institution présidentielle avec d’énormes prérogatives et, qu’au contraire, l’intérêt des États africains commande de limiter au maximum ces pouvoirs comme condition de leur force, de leur intégrité dans leur rôle au niveau international.
Mais, cette dépendance et cette faiblesse du président africain ne s’exprime pas seulement dans les relations internationales. Autant celui-ci a besoin de soutiens étrangers pour son maintien, autant il en recherche à l’intérieur, vivant dans une sorte de paranoïa face aux groupements socioculturels bien souvent majoritaires dont il n’est pas originaire.
Le président africain, c’est une vérité d’évidence, recherchant inévitablement la fidélité et le soutien inconditionnel des « siens », finit par devenir dépendant, prisonnier de ceux-ci.
L’auteur précité, dans ce sens, note : « qu’ils s’en glorifient ou s’en défendent, les chefs d’États restent les hommes de leur ethnie. Ils continuent d’en porter l’empreinte… Leur lignage leur vaut des infidélités mais aussi des réticences et des suspicions ».
Par conséquent, ici, comme pour le premier cas (au niveau international), l’accumulation des prérogatives participe à sa fragilisation, à sa dépendance et à la corruption de l’institution.
Bien plus grave, se développe alors une compétition irrationnelle et « sauvage » des différents groupements socioculturels pour parvenir, par le biais de la fonction suprême, à la maîtrise des ressources nationales, aboutissant ainsi à ce que certains auteurs ont appelé « État néo-patrimonial » avec tout ce que l’expression implique : tribalisme, clientélisme, népotisme, exclusion, violence …
Bref, l’observation de presque l’ensemble des États africains, depuis l’indépendance, démontre que l’institution présidentielle, telle qu’elle a fonctionné jusqu’ici, et à des degrés différents selon les États, contribue à la destruction du tissu socioculturel et économique.
L’aménagement constitutionnel, mais aussi la réalité sociale, participent à sa fragilisation et, une esquisse de réponse positive à cette situation consisterait, si ce n’est pas à sa suppression, au moins à sa « symbolisation ».
Limiter les prérogatives du président de la République en Afrique, ne lui confier qu’une responsabilité moralisatrice, pédagogique et aussi représentative au niveau international, sans lui laisser les manettes de la gestion, revient réellement à le conforter et à le « fidéliser » par rapport aux intérêts majeurs de son pays.
Ibrahim Kalil Diallo
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