Hollande à Cuba: au-delà du symbole, des questions épineuses
Il est le premier chef d’Etat occidental à se rendre à Cuba depuis l’annonce du dégel entre l’île et les Etats-Unis. François Hollande effectue, ce lundi 11 mai, une visite historique à La Havane. Il doit y défendre les intérêts français et européens dans un pays qui aspire à l’ouverture économique.
Avec notre envoyé spécial à La Havane, Florent Guignard
Dès son arrivée, le chef de l’Etat français a évoqué le symbole fort de cette visite du 11 mai à Cuba. François Hollande avait salué le geste de Barack Obama à l’égard de Cuba, mais il sait que le sien restera aussi dans l’Histoire : il est le premier chef d’Etat occidental à fouler le sol cubain depuis l’annonce du dégel avec Washington.
Alors ce n’est peut-être pas un hasard si François Hollande a le privilège d’être reçu par Raul Castro en fin d’après-midi ici au palais de la Révolution. La France a toujours soutenu Cuba aux Nations unies, en votant, chaque année, en faveur de la levée de l’embargo.
Il y a aussi des liens très forts entre Cuba et la gauche française, « la mythologie de la révolution », comme le dit le président français, l’histoire d’un petit pays qui affrontait une grande puissance, l’éducation et la santé pour tous. Ce n’est pas la gauche de Hollande, lui, le social-démocrate modéré. Mais voilà, La France, vue de Cuba, est un pays ami, à plus forte raison avec un président socialiste.
Officiellement il s’agit pour la France d’accompagner Cuba dans son ouverture. Plus prosaïquement, même si on ne le dit pas comme ça du côté de l’Elysée, il s’agit de faire des affaires : Cuba s’ouvre aux investisseurs étrangers. Et il y a un marché, les Cubains ne voulant pas tomber dans les mains des seuls Américains.
François Hollande n’est donc pas venu tout seul, une trentaine de chefs d’entreprises l’accompagnent. Cuba est aussi une porte d’entrée pour certains marchés d’Amérique latine.
Pour Jesús Arboleya, professeur à l’université de La Havane, cette visite est aussi très importante pour les Cubains : « Ce qu’on observe en ce moment, c’est un regain d’intérêt pour Cuba, de la part de l’Europe et d’autres régions comme la Chine ou l’Amérique latine. Et dans ce contexte, la visite à Cuba du président français François Hollande est très importante, tout comme celle d’autres dirigeants européens qui sont venus ou qui doivent s’y rendre. »
Et l’universitaire d’espérer, dans le sillage de cette visite, un changement de politique de la part de Bruxelles : « Je pense aussi que l’Union européenne va aussi modifier sa politique à l’égard de Cuba, qu’elle va abandonner cette position commune imposée par les Etats-Unis, et qui n’était pas de l’intérêt de la plupart des Etats européens, et que la tendance est à la normalisation des relations de Cuba. […] De fait, ceux qui ont pâti de l’embargo américain sur Cuba, ce sont aussi les entreprises européennes… »
Des droits de l’homme dans la balance
Pour autant, François Hollande n’entend pas occulter totalement la question des droits de l’homme. Il promet d’en parler à Raul Castro. « Il y a eu une dérive, qui s’est atténuée grâce à l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle génération », analyse François Hollande. Par le passé, il avait eu des mots très durs sur « les inhumanités injustifiables du régime castriste ». Le propos aujourd’hui est nettement plus conciliant.