Indonésie: peine capitale pour deux Australiens et le Français Atlaoui

Indonésie: peine capitale pour deux Australiens et le Français Atlaoui

media
Arrivé au pouvoir en octobre dernier, le président Joko Widodo, qui a promis d’être intransigeant avec le trafic de drogue. Le Français Serge Atlaoui fait partie, comme les deux Australiens, des condamnés à mort pour trafic de drogue.améneREUTERS/Jefri Tarigan

Le recours de deux Australiens condamnés à mort en Indonésie pour trafic de drogue a été rejeté ce lundi. Le tribunal administratif s’est déclaré incompétent pour examiner leur recours en grâce. Condamnés en 2006, ils pourraient être exécutés prochainement, à l’instar de huit autres étrangers encore en attente de décisions de justice. Le sort du Français Serge Atlaoui, qui figure parmi ces huit condamnés à mort, reste incertain.

Officiellement, l’Australie ne se résigne pas, explique notre correspondante à Melbourne,Caroline Lafargue. La ministre des Affaires étrangères, Julie Bishop, a déclaré qu’elle continuerait à plaider la cause des deux ex-trafiquants d’héroïne, condamnés à mort en 2006, auprès des autorités indonésiennes. Son principal argument reste le même: Myuran Sukumaran, 33 ans, et Andrew Chan, 31 ans, sont des détenus modèles et repentants.

Recours auprès de la Cour constitutionnelle

Ces derniers mois le gouvernement australien a tout tenté et sur tous les tons. Tony Abbott a réclamé la grâce des deux condamnés, au nom de la dette morale de l’Indonésie envers l’Australie. Au lendemain du tsunami de 2004, l’Australie a en effet envoyé une aide généreuse à son voisin. En mars, Julie Bishop, elle, a proposé un compromis raisonnable - un échange de détenus. Mais toutes ces pressions ont été contre-productives car elles ont agacé le président indonésien, Joko Widodo.

Pour le moment, les avocats tentent toujours de gagner du temps. Ils vont déposer un ultime recours contre le refus de grâce présidentielle cette semaine, cette fois-ci auprès de la Cour constitutionnelle. Mais cela ne sauvera pas Andrew Chan et Myuran Sukumaran, car selon l’un de leurs avocats, Todung Mulya Lubis, la Cour constitutionnelle n’a pas le pouvoir de casser une décision du Président.

Finalement, la date de l’exécution dépendra de la rapidité des juges indonésiens. Les deux Australiens doivent être exécutés en même temps que huit autres condamnés mais trois d’entre eux, dont le Français Serge Atlaoui et le Ghanéen Martin Anderson, n’ont pas encore épuisé tous leurs appels.

Serge Atlaoui demande la révision de son procès

Le Français Serge Atloui a lui aussi saisi le tribunal administratif pour examiner son recours en grâce. Pour l’instant, il attend la réponse mais après la décision du tribunal concernant les deux Australiens, son avocat Richard Sédillot, craint un rejet. « Il est évidemment possible qu’une décision comparable soit rendue dans le dossier de monsieur Atlaoui, explique l’avocat. Ce qui permettra tout de même de saisir ensuite la Cour constitutionnelle parce que la question de l’appréciation de ce droit de grâce et des conditions dans lesquelles il doit être rendu relèveraient de la compétence du juge constitutionnel »

En parallèle, Serge Atlaoui a demandé la révision de son procès. La Cour suprême doit se prononcer. Ce qui inquiète Richard Sédillot, c’est que la demande similaire d’une Philippine, condamnée à mort pour trafic de drogue, a été rejetée. « C’est une décision qui m’a surpris,poursuit l’avocat, parce que c’est une femme qui a été arrêtée en possession d’une toute petite quantité de cocaïne et j’ai pensé que la Cour suprême ferait preuve d’une relative clémence à son égard. Ce qui ne veut pas dire qu’elle sera plus clémente en faveur de monsieur Atlaoui. Il faut rester confiant. »

Le gouvernement indonésien a promis d’attendre la fin de toutes les procédures de recours avant d’arrêter une date pour la convocation du prochain peloton d’exécution. En janvier, six personnes dont cinq étrangers, ont ainsi été exécutées. Tous ont été condamnés pour être liés au trafic de drogue.

L’Indonésie doit donner l’exemple

Pour Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty international, la peine capitale est contre-productive et son organisation appelle l’Indonésie à se « ressaisir et à commuer les peines de ces personnes » pour devenir un « exemple dans la région ». « Le 3 décembre dernier, le vice-président indonésien a déclaré que l’Indonésie allait exécuter toutes les personnes qui étaient condamnées pour trafic de drogue afin de lutter contre un fléau et une urgence nationale, précise Geneviève Garrigos. A notre connaissance, fin mars, il y a 133 personnes qui sont dans le couloir de la mort dont 59 pour trafic de drogue et parmi eux 42 étrangers. La fermeté qui a été annoncée en décembre, aucune grâce présidentielle, et qui semble se confirmer, nous inquiète particulièrement. Ce qui grave dans la situation actuelle, c’est que l’on sait très bien que l’utilisation de la peine de mort pour lutter contre la criminalité n’est absolument pas efficace. En plus, le fait de condamner ces personnes et de les exécuter pour ce type de crime est complètement en violation avec le droit international ».