Nigeria : le parti de Goodluck Jonathan reprend le contrôle du riche Etat de Rivers

Nigeria : le parti de Goodluck Jonathan reprend le contrôle du riche Etat de Rivers

Le parti du président sortant Goodluck Jonathan a repris le contrôle de l’Etat de Rivers, dans le sud du Nigeria, lors des élections régionales qui se sont déroulées ce week-end. Des accusations de fraude et « viol de la démocratie » ont été portées par le Congrès progressiste (APC), le parti du nouveau président Muhammadu Buhari, qui dirigeait jusque-là cet Etat riche en pétrole. Nyesom Wike, le candidat du Parti démocratique populaire (PDP) a obtenu 1 029 102 voix, contre 124 896 à Dakuku Peterside, candidat de l’APC, a rapporté la Commission électorale, lundi 13 avril.

Le gouverneur sortant Rotimi Amaechi, qui ne se représentait pas, avait mis en garde contre les conditions dans lesquelles se déroulait le scrutin. « On ne peut pas parler d’élection quand des gens se font tirer dessus et sont pourchassés, s’agace le gouverneur. Il y a deux semaines (lors de la présidentielle NDLR), on était confrontés à la police et à l’armée. Cette fois-ci s’ajoutent les bandits… J’étais convaincu qu’ils nous laisseraient voter aujourd’hui, je ne pensais pas qu’ils utiliseraient encore les forces de sécurité », se plaignait-il samedi matin, en faisant la tournée des bureaux de vote.

« Ils » c’est le PDP, le parti de Goodluck Jonathan, dont Rotimi Amaechi a claqué la porte fin 2013. Cette défection a mis à jour les profondes dissensions à l’intérieur du parti présidentiel. « J’en avais assez que l’épouse du président me demande 1 million de dollars par mois pour son argent de poche », assène le gouverneur qui a depuis rallié l’APC de Muhammadu Buhari, dont il est devenu le directeur de campagne.

Le jour de la présidentielle, les deux tiers des bureaux de vote de l’Etat ont connu des dysfonctionnements, 10 personnes ont été tuées, faisant monter le bilan à 56 morts dans des violences préélectorales. Deux semaines plus tard, les échauffourées ont commencé dès la veille du scrutin dans une petite ville non loin de là, avec des incendies autour de centres de distribution de matériel électoral. Au moins 4 personnes sont mortes lors d’échanges de tirs entre partisans des deux camps.

« Je suis venu sauver la vie d’un homme »

Dans un autre hameau visité par Rotimi Amaechi, on signale l’agression d’un agent de la commission électorale chargé de superviser le vote. Lui-même est pris à partie. Lorsqu’il s’arrête dans ce bureau acquis au PDP, entouré de militaires et de gardes en civil armés de fusils automatiques, c’est rapidement l’émeute. Des dizaines d’hommes empêchent l’homme politique d’accéder au local, niant avoir tenté de manipuler le vote et criant au scandale. « Je suis venu pour sauver la vie d’un homme », tranche le gouverneur.

Avec un budget annuel qui frôle les deux milliards de dollars, le contrôle de cet Etat est un enjeu de taille pour les partis politiques. « Diriger le Rivers permet de dégager des revenus pour la publicité et pour financer des pratiques clientélistes, explique Chris Newsom, défenseur des droits civiques au Stakeholder and Democracy Network, une ONG basée à Port-Harcourt, capitale du Rivers. Quand on parle du troisième ou quatrième plus gros Etat en termes de revenus, c’est fondamental. » Depuis la défaite de Goodluck Jonathan à l’élection présidentielle du 28 mars dernier, son parti le PDP a besoin de garder un accès à des revenus réguliers pour continuer à exister. Quand le cours du pétrole est bon, le Rivers reçoit un budget annuel qui peut monter jusqu’à 2 milliards de dollars pour administrer une partie des infrastructures de transport, de l’éducation ou encore de la santé. Un budget parfois supérieur à celui de certains pays africains. Goodluck Jonathan était le premier président du Nigeria originaire de l’Etat du Rivers.

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