La justice guinéenne comme à ses habitudes a encore fait honneur à sa réputation de briller dans le mauvais sens à travers deux de nos compatriotes, présumés criminels, arrêtés à l’extérieur de sa zone de compétence. Il s’agit de Mahmoud Thiam pour crime économique et Aboubacar Toumba Diakité pour crime de sang.
Je me réjouis de leur arrestation au même titre que l’ensemble des guinéens et je salue les efforts fournis de part et d’autre pour qu’on en arrive à ce résultat de mi-parcours car le chemin est long.
Par ailleurs, je m’interroge et je m’inquiète sur le rôle et les attitudes de notre justice dans ces cas illustratifs du véritable visage de notre pays où les criminels de sang et économiques continuent encore de bénéficier d’une garantie d’impunité et de promotion dans presque tous les secteurs d’activités (gouvernement, administration, armée, affaires).
Pour les cas de corruption et de détournement des deniers publics, les scandales n’ont jamais manqué avec des noms cités et des cas flagrants sans que notre justice ne se saisisse d’un seul dossier pour enquête et procès. Elle ne se met en mouvement que quand les intérêts directs du président ou ceux de son entourage sont menacés.
Et dans cette éventualité les magistrats se mettent en compétition en matière d’excès de zèle afin d’attirer l’attention du chef pour être gratifiés d’avantages (argent et promotion) en conséquence. Et les chances de traitement d’un dossier dépendent de l’étiquette qu’on lui porte a priori ou de sa place dans l’agenda de l’exécutif.
Pour le cas du crime de sang et de viol, en l’occurrence le dossier du 28 septembre 2009, des efforts sont fournis, certes, puisqu’il y a eu des enquêtes et des inculpations grâce à la pression et au concours international surtout, mais je trouve paradoxal et incompréhensible quand la justice guinéenne exprime sa satisfaction sur l’arrestation de Mahmoud Thiam par le FBI et surtout celle de Toumba Diakité par la gendarmerie sénégalaise étant donné qu’au même moment elle est incapable de faire au moins démettre de leurs fonctions administratives des personnes qu’elle a déjà inculpées pour crime contre l’humanité.
En plus, Moussa Dadis Camara qui est un acteur clé de ce dossier ayant manifesté à travers des déclarations et des actes (tentative de retour au pays) son envie de rentrer et sa disponibilité à collaborer avec les autorités judiciaires sur ce dossier en se soumettant librement à toutes les questions des juges guinéens a Ouaga, est toujours en ‘’convalescence’’ dans ce pays. Son cas est d’ailleurs plus simple pour notre justice car il n’est pas en cavale et il n’est ni un homme politique, ni un militaire puisqu’il a déjà démissionné de son parti et de l’armée.
Apparemment, il est même motivé à financer son propre voyage de retour. Son arrivée ne va donc couter aucun franc en plus à la caisse de l’Etat. Je trouve qu’il a montré toutes les preuves de bonne foi pour collaborer. Qu’est-ce qui reste ?
Le général Sékouba Konaté,ministre de la défense d’alors, qui par contre n’est pas inculpé pour le moment, peut aussi rentrer pour apporter sa contribution pour la manifestation de la verité. Surtout qu’il me semble qu’il n’a plus de toit (en tout cas pas aux Etats-Unis ou au Maroc) et il est toujours en attente de la mise en place de la ‘’Force africaine en attente’’. Ce n’est quand même pas en Gambie qu’il va faire ses premières expériences africaines sur le terrain. Donc il doit avoir le temps de se mettre à la disposition de la justice de son pays.
Alors quel est le sérieux de vouloir se précipiter pour la procédure d’extradition de Toumba Diakité quand on refuse au même moment le retour volontaire de son ex patron ? Etant donné que le premier cas demande beaucoup plus de procédure et d’effort que le second qui a besoin juste d’une autorisation d’atterrissage d’un vol qui décolle à Ouagadougou pour atterrir à Conakry avec l’ex-chef de la junte à bord.
Quel crédit donné à une justice qui ne se satisfait que quand les autres font le travail qu’elle devrait faire? Quelle garantie elle nous offre que son véritable souci et sa principale motivation c’est d’œuvrer à la manifestation de la vérité et non de dérouler un agenda caché qui viserait à protéger des intérêts particuliers en faisant diversion pour gagner du temps?
Je m’interroge et j’encourage notre justice à plus de cohérence dans la démarche, plus de courage dans les actes et plus de responsabilité face aux enjeux présents et futurs. L’avenir et l’équilibre de la République en dépendent.
Aliou BAH
Directeur de la communication du BL