Attentat au Kenya: Abdullahi, un étudiant «brillant» devenu terroriste

Attentat au Kenya: Abdullahi, un étudiant «brillant» devenu terroriste

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Le campus de l’université de droit de Nairobi qu’Abdirahim Abdullahi a fréquenté.RFI/Sonia Rolley

Après le week-end pascal, les étudiants de la faculté de droit de Nairobi commencent à rentrer sur leur campus. Les conversations tournent évidemment autour du drame de Garissa d’autant que l’un des tueurs identifiés par les autorités — Abdirahim Abdullahi — a été diplômé de cette faculté de droit.

Avec notre envoyée spéciale à Nairobi,Sonia Rolley

Des affiches sont collées sur les murs de l’Université, sur les portes des dortoirs. Les étudiants de la faculté de droit sont sur le point d’élire leurs représentants. Il y a tout juste deux ans, Abdirahim Abdullahi était parmi eux et Gérald Kiti, l’actuel représentant des étudiants, faisait pour la première fois campagne.

« Pendant la campagne, il m’a promis que Kiti, ça veut dire fauteuil en swahili, que Kiti aurait le Kiti, que je gagnerai l’élection. Il m’a dit : ne t’inquiète pas. Tu es mon frère, moi, je vote pour toi. C’était vraiment un gars sympa, je n’ai pas compris comment ça a pu mal tourner », s’interroge-t-il.

Pour Ahmed, un autre étudiant du campus, Abdirahim Abdullahi était loin d’être de la graine de terroriste à l’époque : « Faire la fête comme ça, quand on est musulman, on ne devrait pas le faire. Mais lui était détendu avec ça, il faisait toute sorte de choses comme ça. Donc de tous les étudiants, c’est le dernier que j’imaginais faire ça. »

En 2013, Abdirahim Abdullahi est diplômé. Il finit deuxième de sa classe. Tout le monde s’imaginait qu’il aurait un brillant avenir. Au-delà de la question de savoir comment il a pu en arriver à tuer des étudiants dans une université à l’autre bout du pays, Mary, future avocate, a des inquiétudes beaucoup plus pragmatiques. « C’est un étudiant qui a passé quatre ans ici, il connaissait tous les recoins de cette faculté. Qu’est-ce qui pourrait se passer ici si toutes ces informations, il les a donnés aux shebabs », s’inquiète la jeune femme.

Pour Gérald Kiti, il est essentiel que les actuels candidats au poste de représentant des étudiants débattent de la question de la sécurité. En effet, en quelques minutes, lui et sa voisine de chambre, Mary, imaginent plusieurs scénarios catastrophes qui pourraient coûter la vie à des centaines d’étudiants sur ce campus.

J’ai été totalement surpris par cette nouvelle. C’est quelqu’un que je connaissais. Quand j’ai pour la première fois fait campagne pour le poste de représentant des étudiants, il m’a promis de me donner son vote. Il m’a même aidé à faire mon slogan de campagne. C’était un mec cool. Donc je ne sais pas ce qui s’est passé, quand est-ce que ça a pu mal tourner. Il n’est pas très religieux, certainement pas un extrémiste. C’est un gars posé. Un étudiant normal, quoi ! Il allait à la bibliothèque, il faisait tout ce que les étudiants font. Il se promenait toujours en costard, des costumes trop bien. Il était facile d’accès, très arrangeant. C’était vraiment très difficile d’imaginer qu’il puisse devenir un jour un terroriste. C’est pour ça que je pense qu’il n’a dû rejoindre les shebabs qu’après l’université. Ou peut-être juste avant de partir, mais c’était vraiment imperceptible. La dernière fois que je l’ai vu, c’était en 2013. Je m’en souviens bien, c’était pour ma première campagne. Pour être à l’université de Nairobi, il faut être brillant. Surtout qu’il avait décroché une bourse d’Etat. Oui, c’était un mec brillant. Il a quand même fini deuxième de sa classe. C’est quelqu’un qui me semblait plein de vie, le fait même que quelqu’un comme lui puisse devenir un terroriste est incompréhensible.
Gérald Kiti, ancien camarade d’Abdirahim Abdullahi07/04/2015
C’est vraiment choquant ce qui s’est passé, et en particulier quand des photos des étudiants tués ont été rendues publiques. Ça ressemble exactement à nos locaux ici. D’un seul coup, ça devient très proche de vous, vous vous dites, ce genre de truc, ça peut arriver, ça peut arriver à tout le monde. Depuis que la fusillade a eu lieu, on discute de ça, mais on essaie de se concentrer sur les aspects juridiques. Le plus choquant, c’est que l’un des tueurs était avocat. Et puis quelqu’un aurait dû remarquer quelque chose. Quelque chose a dû changer. J’ai vu sa photo, on dit que c’était quelqu’un d’ouvert, de cool, qui sortait avec ses amis. Mais quand même d’habitude quand quelque chose comme ça arrive, ça n’arrive pas du jour au lendemain. Il devait y avoir des signes, je m’intéresse à la psychologie. Quelqu’un ne change pas du jour au lendemain. Il a peut-être arrêté d’écouter un certain type de musique ou de sortir avec certaines personnes ou il a commencé à parler de telle ou telle idée. Je ne sais pas, moi. A un moment, quelqu’un aurait dû faire quelque chose, parler aux autorités.
Zenna, étudiante en droit à l’université de Nairobi
RFI