Affrontements meurtriers au Burundi

media

Un calme précaire règne ce dimanche soir à Bujumbura au Burundi. La tension reste vive. Manifestants et forces de l’ordre se sont affrontés dans la capitale. Au moins deux personnes ont été tuées par balle au cours de la matinée. Au lendemain de l’annonce de la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat à la tête du Burundi, les autorités avaient interdit toute manifestation. Le signal de plusieurs radios a été coupé. En fin de journée, le calme était revenu à Bujumbura. L’opposition a appelé à de nouvelles manifestations lundi

Deux manifestants ont été tués par balles au cours des affrontements en cours à Bujumbura, selon l’Agence France-Presse, qui cite plusieurs témoins indépendants. L’un des manifestants a été tué dans le district de Ngagara, un autre a été tué à Musaga.

Des affrontements ont éclaté ce dimanche matin, dans plusieurs quartiers de la capitale burundaise. Des scènes de violences qui ont notamment eu lieu dans le quartier de Cibitoke, dans le nord de la capitale, des jeunes jetant des pierres d’un côté, les policiers répondant par des gaz lacrymogènes. Des camions anti-émeutes sont entrés en action, et utilisent des canons à eau pour disperser les manifestants. Une eau teintée de bleu, pour pouvoir plus facilement retrouver ensuite les manifestants.

Les manifestants, quelques centaines de jeunes, se sont d’abord rassemblés ce dimanche matin aux coins des rues, dans le but de rejoindre la place de l’Indépendance, dans le centre de Bujumbura, où l’opposition avait appelé à se rassembler. Les manifestants disaient réclamer le droit à manifester pacifiquement, comme l’on fait hier, samedi, les partisans du CNDD-FDD, le parti au pouvoir. Mais ils en ont été empêchés par le fort dispositif policier déployé depuis les premières heures de la matinée.

Interpellations et tirs de sommation

L’interpellation d’un jeune, qui a été molesté par les forces de l’ordre, a ensuite donné le signal des violences. « Nous, on ne faisait que chanter, et eux, ils nous ont attaqué », a lancé l’un d’eux aux journalistes présents sur place. Les jeunes manifestants ont pris la rue, repoussé les policiers et installé des barricades constituées de tables de bois et de chaises, auxquelles ils ont mis le feu. « C’est notre révolution, on ne veut pas que Nkurunziza retourne au pouvoir », scandaient des manifestants.

Les policiers, qui ont un temps battu en retraite, laissant la rue aux manifestants, sont revenus à la charge quelques minutes plus tard. Des tirs sporadiques de sommation, des tirs en l’air, ont été entendus. A 9h (TU), les policiers avaient repris le contrôle de la rue centrale de Cibitoke et s’employaient à dégager les barricades montées par les manifestants. Les jeunes manifestants, eux, se sont dispersés dans les petites rues, à l’intérieur du quartier.

Radios privées coupées

Par ailleurs, le signal de trois radios privées a été coupé à l’intérieur du pays : Bonesha FM, Radio Issanganiro, et la RPA (Radio publique africaine) n’émettent plus qu’à Bujumbura. Trois ministres du gouvernement, accompagnés de policiers, sont arrivés ce matin au siège de la RPA, qu’ils accusent d’être une radio de « mouvement insurrectionnel ». Ils ont exigé des journalistes présents de quitter les lieux. Des discussions sont actuellement en cours entre les ministres et les responsables de la radio.


■ Une candidature à un troisième mandat, critiquée à l’intérieur et à l’extérieur du pays

Ces affrontements interviennent au lendemain de la désignation de Pierre Nkurunziza comme candidat du CNDD-FDD à la présidentielle de juin prochain. L’actuel président du Burundi se présente pour un troisième mandat, jugé anti-constitutionnel par l’opposition et qui « risque de plonger le Burundi dans le chaos », a déclaré samedi 25 avril le principal opposant burundais, Agathon Rwasa.

Une partie de la société civile, rassemblée au sein de la coalition « Halte au troisième mandat », est également opposée à ce troisième mandat et a plusieurs fois mis en garde contre les risques que cela faisait peser sur la stabilité du pays, plongé dans une guerre civile entre 1993 et 2006. Pour les opposants au troisième mandat de Nkurunziza, cette candidature est à la fois contraire à la Constitution et aux accords d’Arusha qui avaient mis fin à la guerre civile.

La communauté internationale a également plusieurs fois marqué son désaccord avec l’éventualité d’un troisième mandat de Pierre Nkurunziza. Dernier pays en date, samedi, quelques heures après l’officialisation : les Etats-Unis ont dit regretter « cette importante occasion manquée. »

RFI