Fête de l’indépendance en Guinée : Pourquoi le pays doit changer de système politique ?
Jeudi 02 Octobre 1958, lundi 02 Octobre 2017, cela fait 59 ans jour pour jour depuis que la République de Guinée a accédé à la souveraineté nationale. Une victoire acquise au bout des multiples combats d’ordre politique, social et syndical menés par les intellectuels nationaux, en parfaite collaboration avec ceux du continent Africain. Mais cependant, malgré son caractère positif tiré au vrai sens du terme, cette indépendance semble se traduire en une véritable désillusion pour le peuple de Guinée.
Un peuple, qui, depuis 1958 traverse un calvaire socio politique qui ne dit pas son nom. Et ce, en dépit de toutes les potentialités naturelles et sociales que le pays dispose, pour servir de facteur de progrès socioéconomiques. Ainsi, contrairement à ce que certains pensent, cette situation explosive, tant au niveau social, économique que politique est loin d’être une fatalité, ce n’est non plus une malédiction.
C’est plutôt le résultat d’une mauvaise organisation, qui, depuis les premières heures de l’indépendance s’est installée des façons systémiques et systématiques dans notre société. Toute chose qui s’est transmise au fil du temps, de génération en génération comme le résultat d’un fait culturel, qui ne devait pas disparaitre de notre esprit collectif.
Une attitude, devenue finalement habitude, mais qui ne traduit aucun signe de progrès, car largement déconnectée des valeurs morales qu’une société responsable doit conserver pour sa survie politique.
Mais toutefois, partant de tous ces constats amers, qui, dans une large mesure traduisent le malheur et le désespoir de ce peuple, l’on serait obligé dans un premier temps de s’interroger sur les facteurs explicatifs de ce phénomène.
Et par la suite voir les proposions nécessaires permettant à ce pays de tourner enfin cette page sombre de son histoire. Une histoire, qui, en réalité n’a jamais connu un changement avec les différents régimes politiques qui se sont succédés à la tête de cette nation depuis 1958. Or, on ne peut comprendre ces facteurs, sans mettre un accent particulier sur les actes posés par chaque régime politique.
DE LA PREMIÈRE RÉPUBLIQUE !
De 1958 à 1984, la première République pilotée par le feu Ahmed Sékou Touré, est largement passée à côté des attentes du peuple de Guinée. Car vue l’engagement et la détermination qu’affichaient les pères de cette indépendance avec ce « Non » historique adressé au général Degaul.
Tout portait à croire que la Guinée allait tout droit vers un véritable changement social, pour marquer la rupture avec les pratiques du passé colonial. C’est ainsi, qu’en lieu et place d’une liberté, les Guinéens se sont retrouvées dans une situation inspirée, marquée par une nouvelle dictature qui restera longtemps dans les annales de l’histoire.
À cela s’ajoute le massacre de nos intellectuels au camp Boiro. Un camp, qui ressemblait aux fours crématoires du Nazisme d’Adolf Hitler à l’époque de la seconde guerre mondiale. Comme pour dire qu’en dépit de certains de ses acquis qui restent encore visibles sur le terrain, ce régime a mis les Guinéens dans une catastrophe sociale, qui restera longtemps gravée dans les mauvais souvenirs.
D’où le début du désespoir politique et social que le peuple de Guinée éprouve vis à vis de ses dirigeants, qui font semblant de ne rien voir ou comprendre sur cette situation dramatique.
DE LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE !
Pilotée par un militaire de carrière internationale pendant 24 ans, allant de 1984 à 2008. L’arrivée de ce régime avait suscité beaucoup d’espoirs chez les Guinéens, de par les discours de ses chefs allant dans le sens d’une rupture avec les mauvaises pratiques du passé.
Mais à la grande surprise du peuple et de l’opinion en général, ce régime de Lansana Conté n’a pas tardé de basculer dans l’anarchie totale. Et ce, quelques années seulement après avoir senti le goût du pouvoir, tout a basculé en une fraction de seconde, au grand malheur du peuple devenu finalement orphelin de père et de mère.
C’est ainsi, en lieu et place d’une liberté et d’une démocratie, l’on a assisté à un libertinage et à une anarchie totale. Une gestion, qui, à défaut d’amorcer le développement socioéconomique de la nation, a plutôt institutionnalisé la corruption, l’insécurité et la criminalité jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.
Ces phénomènes constituent aujourd’hui le plus grand mal commun que les Guinéens se partagent dans leur quotidien. C’est aussi des véritables facteurs d’obstacles qui freinent l’émergence et le progrès de notre société, d’autant plus que ces pratiques ont fini de s’installer dans notre esprit collectif comme une culture de gouvernance pour tous les régimes.
DE LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE !
Héritière de deux transitions, la troisième Republique est pilotée par un professeur de son état. Alpha Condé qui a toujours venté le slogan de premier président démocratiquement élu de l’histoire de la Guinée.
Mais à l’allure où vont les choses, sa gouvernance semble avoir déçu comme jamais auparavant. Cette déception qui intervient dans un monde aux yeux ouverts reste largement visible sur le quotidien des Guinéens, qui commencent d’ailleurs à s’interroger sur l’avenir de ce pays.
D’aucuns n’hésitent même plus à s’simuler cela à une malédiction divine, car il est vraiment incompréhensible qu’un pays soit dans cette situation après 59 ans d’indépendance. Économiquement le niveau de vie des Guinéens se détériore à une vitesse sans précèdent.
Socialement l’on est en train de perdre les repères et les bases fondamentales de notre société, car jamais auparavant, les Guinéens ne s’étaient opposés de telles sortes les uns contre les autres. Politiquement l’Etat Guinéen n’existe que sur papier, car la crise institutionnelle qui caractérise la gouvernance du professeur est sans précèdent.
Pour en savoir plus sur la réalité de cette situation, il suffit tout simplement de jeter un regard objectif sur le fonctionnement des institutions existantes. De l’assemblée Nationale à la justice, en passant par la CENI et le médiateur de la République, toutes ces institutions sont inféodées aux ordre de l’exécutif. Un exécutif piloté d’une main de fer par celui qui revendique 40 ans de lutte politique pour l’établissement d’un Etat de droit en Guinée. Mais aux jours d’aujourd’hui, beaucoup de Guinéens, pour ne pas dire la majorité, préfèrent les anciens régimes, car même entre deux maux, il y a le moindre mal.
L’anarchie et la cacophonie qui caractérisent ce régime devient vraiment insupportable. Quand des Guinéens sont tués de gauche à droite, comme des moutons pour le simple fait d’avoir revendiqué un droit, quand des Guinéens voient leurs biens détruits en pleine journée, et par ceux qui étaient sensés garantir leur sécurité.
Tout cela démontre le caractère anarchique de ce régime, qui fait semblant d’ignorer cette situation dramatique. Situation dramatique, dans ce sens que la pauvreté devient chaque année plus dure. Situation dramatique dans ce sens que l’insécurité bat son pleine partout sur l’étendue du territoire national.
Situation dramatique dans ce sens que l’impunité, la corruption et l’injustice deviennent une culture de gouvernance. Situation dramatique dans ce sens que le pays est en train de perdre ses repères sociaux, en terme d’unité et de cohésion sociales. Situation dramatique dans ce sens que le pays ne fait que reculer chaque année par rapport à ses voisins de la sous-région.
ALORS QUE FAUT-IL FAIRE ?
Celle-ci reste la question fondamentale, longtemps posée mais sans réponse pour l’instant. Mais toutefois, comme il n’y a pas un problème sans solution, il est de même également qu’il n’y aura pas de question sans réponse.
La réponse à cette question est d’ailleurs connue par l’écrasante majorité des Guinéens, d’autant plus que tout le monde est presqu’unanime que le problème de la Guinée est loin d’être un problème d’hommes.
C’est plutôt un problème de système, car si c’était un problème d’hommes, la situation aurait dû changer avec tous les changements intervenus à la tête du pays. Mais de Sekou Touré à Alpha Condé, en passant par Lansana Conté, Dadis et Konaté, rien n’a vraisemblablement changé.
C’est pourquoi il devient indispensable d’aller vers un changement de système, de la base jusqu’au plus haut sommet de l’État. Car le bon fonctionnement d’un élément dépend largement du système d’organisation dans lequel il évolue.
À cet égard, il faut réduire le pouvoir de l’exécutif qui ramène tout à son niveau, il faut que les présidents des institutions Républicaines soient élus, au lieu d’être nommés par l’exécutif. Et ce, pour garantir leur indépendance et promouvoir la séparation des pouvoirs, car comme le disait Montesquieu, seul le pouvoir peut arrêter le pouvoir dans ses dérives autoritaires.
Mamadou Moussa Diallo pour Journal Guinée
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