Monsieur Monenembo,
J’ai accueilli avec beaucoup de peines votre virulente satire contre notre peuple, parue récemment dans la presse et intitulée « la Guinée, une usine à fabriquer les dictateurs », dans laquelle vous vous livrez à un réquisitoire sans appel contre notre grande nation, son histoire ainsi que celle de sa gouvernance. Et cerise sur le gâteau, vous êtes parvenus, à la suite de votre hérétique analyse à l’absurde et triste conclusion que nous sommes un « peuple mineur », seul et unique responsable de ses malheurs.
En observant bien votre écrit, sur le fond et sur le style, je tombe des nues. Il me semble que vous parlez d’un tout autre peuple, d’une toute autre histoire, tant l’écart entre votre torchon et la réalité à laquelle, il fait allusion est, de toute évidence, abyssal. A vous lire, vouant aux gémonies notre vaillant peuple et tronquant son grand passé, il m’est impossible de reconnaître l’écrivain responsable que je m’imaginais à votre sujet, l’intellectuel que vous prétendez être. Pourtant, quelqu’un avait fort éloquemment défini le rôle dévolu à ces valeureuses composantes de l’élite sociale : « l’écrivain à une responsabilité, l’intellectuel, une mission ; être la conscience de sa société, dresser la force morale de son engagement contre la monté de tous les périls ».
Hélas, j’en conviens que les dirigeants successifs qui ont gouverné notre pays, sans exception aucune, ont manqué et à maints égards à leur devoir dans la gestion de la chose publique. D’ailleurs, l’héritage qui résulte, de la façon dont nous avons géré le pays au sortir de ces 61 ans de souveraineté nationale ne nous rend pas fiers de nous sur le continent et en dit long sur les insuffisances chroniques de la gouvernance. Après plus d’un demi-siècle d’indépendance, nous ne sommes pas encore parvenus à bâtir un État et une administration publique, véritablement promoteurs de développement national et de bien-être social, le gouvernement du peuple ne s’est pas toujours consolidé, les infrastructures sociales de base sont dans un piteux état, l’activité économique est trop exigue et déficitaire pour porter le progrès escompté. Quel spectacle désolant et déshonorant au regard des immenses potentialités du pays ! Mais qui sont les coupables de cette tragédie nationale ? Le peuple ? Non, certainement pas ! Les gouvernants ? Oui, ce sont eux les vrais comptables de notre descente collective et continue »aux enfers ». C’est à s’étonner que vous ne le sachiez vraiment pas ou que vous feignez de le savoir.
Cependant, malgré les péripéties nationales d’hier, d’aujourd’hui et peut-être de demain, nous demeurons toujours le peuple de Samory Touré, de Bocar Biro Barry, de Dinah Salifou Camara, de Zébéla Togba Pivi et cie, tous unis dans la prière. Ces héros, dont les griots chantent encore les exploits, ont fièrement défendue la patrie et courageusement sacrifié leurs vies contre l’implantation coloniale afin que nous autres, vivions bien, vivions dignes et libres. Oui, nous sommes le peuple du 28 septembre 1958 qui dit fièrement « NON »au Général De Gaulle pour reconquérir sa liberté et son droit légitime à disposer de lui-même et de ses ressources. Oui, nous sommes le peuple de janvier et février 2007, qui ébranla le système de Conté et dit halte à la cherté de la vie, devenue ambiante partout dans le pays. Oui, nous sommes le peuple du 28 septembre 2009 qui dit stop à Dadis Camara et mit un terme à sa volonté de maintien au pouvoir.
Ces quelques faits extraits de l’éphéméride de notre grande histoire nationale témoigne à suffisance, le fait que nous soyons un peuple qui n’a pas courbé l’échine, un seul instant, face aux hommes et aux incidences qui ont émaillé plusieurs épisodes de son destin, quitte, dans la plupart du temps, à payer un lourd tribut sans jamais songer au renoncement à la lutte encore moins à la résignation. Nous ne sommes pas un peuple de laquais, de poltrons que vous peignez avec un pinceau arrogant et insolent.
En vérité, les coupables de notre misère collective sont les dirigeants qui ont gouverné à des périodes plus ou moins longues de l’histoire aux destinées de notre pays et qui se sont faits accompagner par une élite, la plupart du temps, vereuse, corrompue et scélérate pour piller les richesses et compromettre l’espoir et l’avenir de plusieurs générations de compatriotes au vu et au su d’intellectuels laquais qui au lieu d’aller au charbon pour leur pays et son avenir, pour leur peuple et son devenir, ont préféré prendre la poudre d’escampette et s’exiler pour l’éternité.
Mais à vrai dire, le masque est tombé et vous a mis à decouvert. Votre écrit n’est ni plus ni moins qu’un appel à la sédition que vous n’assumez pas dans le cadre d’un mercenariat politique au service d’une misérable officine. Il est facile de rester cloîtré dans des appartements luxueux au bord de la Seine et de feindre d’ignorer à leur juste valeur les énormes sacrifices consentis au quotidien par notre peuple pour son bien-être. De tous temps et sous tous les cieux, l’écrivain engagé vit au sein de son peuple pour assumer son sacerdoce.
En tout cas, nous n’avons point besoin de leçons de moralisateur de votre type qui lui à préférer prendre la poudre d’escampette que d’affronter ses responsabilités face aux situations qui s’imposent et pour quelqu’un qui a failli à son devoir de neutralité sur les questions partisanes qui divisent dans l’opinion et à assumer amitié et soutien à des politiques au passé trouble qui ont contribué longuement dans des régimes que vous clouez au pilori. Votre torchon, cette collection de mensonges et d’injures au service du diable, gardez-le pour vous-mêmes et vos commanditaires.
Monsieur Monenembo,
Notre peuple lui, est suffisamment mature et comme par le passé, il saura prendre toujours ses responsabilités face à n’importe quelle situation. Misérable et imposture, voici les autres noms de votre torchon.
Bangaly Keita