Le Kenya bombarde deux camps shebab en Somalie
NAIROBI | Au troisième jour du deuil national décrété après le massacre du 2 avril à l’université de Garissa, et au lendemain de bombardements kenyans de camps shebab en Somalie, une manifestation devait se tenir mardi pour protester contre l’incapacité du gouvernement à protéger la population.
La manifestation, organisée à l’initiative d’un collectif de la société civile, devait être suivie en début de soirée d’une veillée en hommage aux victimes de l’attaque qui a fait 148 morts, dont 142 étudiants.
Lundi, l’aviation militaire du pays a bombardé en Somalie deux camps des islamistes somaliens shebab, qui ont revendiqué l’attaque.
«Nous avons bombardé deux camps shebab dans la région (méridionale) de Gedo», frontalière du Kenya, a déclaré le colonel David Obonyo, porte-parole de l’armée. «Les deux cibles ont été touchées» et «les deux camps ont été détruits», a-t-il assuré, sans donner de bilan sur d’éventuelles pertes dans les rangs shebab.
Le colonel Obonyo a précisé que ces deux cibles étaient déjà dans le collimateur de l’armée kényane avant le massacre à l’université de Garissa (est). Le bombardement de lundi entre dans le cadre «de l’engagement permanent contre les shebab, qui va se poursuivre», a-t-il expliqué.
L’armée kényane a néanmoins à plusieurs reprises bombardé des cibles islamistes en Somalie dans la foulée d’attentats commis sur son sol.
Elle avait ainsi détruit fin octobre 2013 un camp d’entraînement des islamistes, à environ 300 km à l’ouest de Mogadiscio, affirmant que le commando ayant attaqué le centre commercial Westgate de Nairobi et fait 67 morts un mois auparavant s’y était préparé.
L’attaque de Garissa est la plus meurtrière au Kenya depuis l’attentat contre l’ambassade américaine de Nairobi, perpétré par Al-Qaïda auquel les shebab sont affiliés, qui fit 213 morts en 1998.
A l’université, les pièces sont désormais vides, mais le sang séché s’étend en longues traînées, laissant imaginer la lente agonie d’étudiants blessés, rampant pour tenter d’échapper à leurs bourreaux.
Les fils barbelés qui clôturent le campus témoignent aussi de la fuite désespérée des étudiants. Y pendent encore des bouts de chair, des cheveux, des lambeaux d’habits.
Le président kenyan Uhuru Kenyatta a promis de «répondre le plus sévèrement possible» à ce «massacre médiéval barbare».
Les autorités kényanes ont promis une récompense d’environ 200.000 euros pour la capture de celui qu’elles présentent comme le cerveau de l’attaque, Mohamed Mohamud, alias «Kuno», ex-professeur kényan d’une école coranique de Garissa, qui a rejoint il y a plusieurs années les islamistes somaliens.
Cinq suspects ont également été arrêtés depuis l’attaque de l’université.
L’armée kényane est entrée en octobre 2011 en Somalie pour combattre les shebab qui ont multiplié depuis les attaques meurtrières au Kenya en représailles. Le contingent kényan a depuis intégré l’Amisom, la force de l’Union africaine déployée depuis 2007 en Somalie pour soutenir les fragiles autorités face aux islamistes.
Avant le massacre de Garissa, les shebab avaient notamment revendiqué l’assaut contre Westgate, des raids dans la région côtière de Lamu en juin 2014 et les exécutions de sang-froid de 28 passagers d’un bus, puis de 36 employés d’une carrière, fin 2014 près de Mandera, dans l’extrême Nord-Est du Kenya.
Plus de 400 personnes ont été tuées au Kenya depuis la mi-2013 dans des attaques revendiquées par les shebab ou qui leur ont été attribuées.
Ils ont à nouveau menacé samedi le Kenya d’une «longue et épouvantable guerre» et d’une «nouveau bain de sang», en l’accusant d’«oppression» contre l’importante minorité musulmane du pays et d’«occuper les terres musulmanes» de Somalie et des régions somali et de la côte du Kenya.
Les shebab ont été chassés en août 2011 de Mogadiscio, puis successivement de l’ensemble de leurs bastions du sud et du centre de la Somalie.
Mais ils contrôlent toujours de larges zones rurales et multiplient les attentats notamment à Mogadiscio et ont choisi le Kenya, pays frontalier, miné par la corruption, où une minorité musulmane jeune et délaissée constitue un terreau à l’islamisme radical, pour mener des actions spectaculaires, destinées à montrer qu’ils peuvent frapper à leur guise, estiment les observateurs.
La presse kényane a accusé les autorités d’avoir ignoré des avertissements et critiqué le temps mis par les unités d’intervention pour arriver à Garissa le jour de l’attaque.
La ministre kényane des Affaires étrangères a balayé ces critiques, déclarant à l’AFP que «combattre le terrorisme (…) c’est comme être gardien de but. On oublie que vous avez arrêté 100 ballons, mais tout le monde se souvient de celui que vous avez laissé passer».
AFP