Nigeria: Muhammadu Buhari, beaucoup d’espoirs et une tâche immense

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Nigeria: Muhammadu Buhari, beaucoup d’espoirs et une tâche immense

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Insécurité, corruption, économie en berne… Goodluck Jonathan (G) ne laisse pas que des cadeaux au nouveau président du Nigeria Muhammadu Buhari (D). Photo prise à Abuja le 28 mai 2015.REUTERS/Afolabi Sotunde

Au Nigeria, Muhammadu Buhari, le président élu le 1er avril dernier, a été investi ce vendredi à Abuja, la capitale fédérale. Au même moment, de nouveaux gouverneurs vont prêter serment. Buhari suscite l’espoir. Il a été élu sur le thème du changement. Difficile pour autant de satisfaire autant d’attentes.

Le changement, c’était le mot clé, le slogan fédérateur de Muhammadu Buhari durant la campagne électorale. Ancien militaire à la retraite, Buhari promet de résoudre les problèmes d’insécurité, mais aussi, de créer des emplois et d’éradiquer la corruption.

Seulement voilà, son équipe commence tout juste à découvrir avec amertume l’ampleur de la tâche : la dette nationale se monte à plus de 60 milliards de dollars, estime Lai Mohammed, le porte-parole de l’APC, le Congrès progressiste. « Il faudra diminuer le train de vie de l’Etat et adopter une rigueur budgétaire », préconise pour sa part Salomon Dalong, un membre du Comité de transition chargé de préparer les dossiers urgents de l’administration de Muhammadu Buhari.

Ce comité estime que le nouveau président devra travailler rapidement, car « quatre ans, ça n’est pas assez », reconnaît un autre membre de cette structure.

Autre difficulté potentielle : la redistribution des postes. Muhammadu Buhari devra composer avec des sensibilités différentes et savoir rendre la pareille à ses soutiens sans frustrer ses militants. Un responsable progressiste issu de l’Adamawa rappelle par exemple que les régions du nord-est dont il est issu ont été, regrette-t-il « régulièrement sous représentées, voire marginalisées dans les institutions comparées au sud ».

« Nous n’attendons pas qu’il accomplisse 100% de ses projets, mais disons 50% »

En tout cas, la population nigériane, elle, attend avec impatience la prise de fonction du nouveau président. Au marché de Garki, on trouve de tout : des téléphones de seconde main, des imprimeries, des tissus. Mais ces derniers jours, les commerçants et les artisans sont stressés à cause des pénuries de carburant. Leur vœu : que l’administration de Muhammadu Buhari assainisse le secteur de l’énergie. « C’est très important, car sans courant, on ne peut pas avancer, estime Okébi Okeye, un responsable de ce marché. Lorsqu’il y a des coupures, ici, toutes ces imprimeries sont fermées. On perd des millions de nairas et on n’est pas en mesure de payer nos employés. »

Abdoulaye est tailleur. Concentré sur sa machine à coudre, il lui faut rattraper plusieurs commandes en retard, faute de courant. Pour ce couturier, le nouveau président doit avant tout rétablir la confiance en éradiquant la corruption. « Le principal problème, c’est la bonne gouvernance. C’est le changement pour lequel on s’est battu », souligne-t-il.

Améliorer le système éducatif, lutter contre l’insécurité, atténuer le chômage. Le tout en seulement quatre ans. Avec un brin de réalisme, Mustapha, est bien conscient qu’une partie seulement de ces réformes seront appliquées. « Partant du principe que la majorité des Nigérians perçoivent Buhari comme un personnage rigoureux, je peux dire qu’en réalité, nous n’attendons pas qu’il accomplisse 100% de ses projets, mais disons… 50% », espère-t-il.

Non loin du marché, un chauffeur de taxi se prend à rêver en attendant des clients : « Le changement est possible, explique-t-il, si et seulement si les Nigérians s’impliquent et luttent eux-mêmes contre l’indiscipline. »

« On a du pétrole mais on souffre ! »

Pendant que les escortes des officiels bloquent la circulation pour se rendre à l’hôtel Hilton, de l’autre côté de la route, des centaines de personnes attendent depuis des heures de pouvoir remplir leur réservoir d’essence - le Nigeria est paralysé depuis plusieurs semaines par une grève des fournisseurs de carburant. Certains ont même passé la nuit dans leur voiture, alors les esprits s’échauffent. Matthew, lui, patiente calmement malgré le soleil écrasant : « On a du pétrole au Nigeria, on se présente même comme le géant de l’Afrique, mais regardez-nous, on souffre ! Nous les pauvres nous souffrons trop. Vous voyez les hommes importants venir faire le plein d’essence ? Non, ce sont juste les pauvres qui attendent dans les stations service, les riches envoient leur chauffeur. C’est comme ça que sera notre vie ? »

Cosmos conduit lui aussi la voiture d’un homme plus aisé. Ce trentenaire gagne sa vie en vendant tout et n’importe quoi dans la rue, alors qu’il est diplômé. Rien d’étonnant donc quand il dit attendre beaucoup du gouvernement Buhari dans le secteur de l’emploi : « J’ai obtenu mon diplôme à l’université il y a dix ans, j’ai étudié la sociologie, et depuis 10 ans je cherche un travail. Il faudrait que cette administration puisse faire quelque chose pour réorganiser et améliorer le système, pour ramener la gloire passée, et faire en sorte que les chômeurs aient leur mot à dire pour influencer cette politique. »

Parmi ses multiples promesses de campagne, Muhammadu Buhari a annoncé la création de 3 millions d’emplois par an.

RFI