Nucléaire iranien: à Téhéran, l’espoir de la levée des sanctions
Après un an et demi de négociations, l’accord-cadre sur le nucléaire iranien a finalement été conclu avec le groupe « 5+1 » à Lausanne. Il reste désormais à régler les détails techniques, qui s’annoncent complexes, pour aboutir à un véritable accord définitif avant le 30 juin. Mais d’ores et déjà, l’annonce survenue jeudi déclenche des scènes de joie dans la capitale iranienne.
De nombreux Iraniens sont de nouveau descendus dans la rue vendredi soir, a constatéSiavosh Ghazi, le correspondant de RFI à Téhéran. Des automobilistes ont circulé tard dans la nuit pour saluer l’accord nucléaire en klaxonnant. Des milliers d’Iraniens sont restés sur les grandes artères pour danser ou chanter des chants patriotiques. Il y avait aussi de nombreux drapeaux iraniens dans la foule, où certains faisaient le « V » de la victoire, criaient « Vive Zarif » ou « Vive Rohani », saluant ainsi le succès obtenu par le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, et par le président de la République Hassan Rohani.
Des célébrations pour un accord diplomatique qui pourrait avoir des conséquences économiques. Les Iraniens espèrent en effet la levée rapide des sanctions internationales qui frappent durement l’économie iranienne depuis plusieurs années. Le président Rohani a affirmé vendredi 3 avril que cet accord nucléaire était « un premier pas » pour améliorer les relations de l’Iran avec le reste du monde.
La levée des sanctions reste en suspens
Pour le gouvernement du président Rohani, cet accord est donc un grand succès, susceptible de relancer une économie en récession. Les exportations pétrolières ont chuté de plus de 50% depuis deux ans et les sanctions bancaires ont rendu très difficiles tous les échanges avec le reste du monde.
Reste que la question de la levée des sanctions, que les Iraniens espèrent prochaine, ne semble pas avoir été réglée totalement. Le président Hassan Rohani a en effet déclaré que les sanctions financières, bancaires et économiques seront levées le jour de l’application de l’accord. Or, pour les Etats-Unis et les pays occidentaux, comme l’a dit par exemple le président américain Barack Obama, « la levée des sanctions internationales et économiques, surtout, doit se faire progressivement ».
Par ailleur, en Iran, certains ultraconservateurs ont commencé à critiquer l’accord, en affirmant que les négociateurs iraniens avaient fait trop de concessions sur le programme nucléaire.
Ahmad Salamatian : « Même en traînant les pieds, la France a cautionné l’accord »
Opposant au régime en place et ancien secrétaire d’Etat iranien aux Affaires étrangères, Ahmad Salamatian juge que « les responsables américains et les responsables iraniens ont le droit de se sentir victorieux » suite à la signature de cet accord-cadre, car des tabous ont sauté. Une victoire qui est selon lui déjà présente dans « la forme des négociations, l’importance qu’ont prise les négociations, le nombre de tabous qui ont été brisés depuis le début des négociations - dont le plus important était les relations directes entre l’Iran et les Etats-Unis. »
La fin du « containment » vis-à-vis de l’Iran ?
Pour Ahmad Salamatian, l’« objectif, c’est la réinsertion de l’Iran dans la communauté internationale. Ils faisaient une analyse qu’on avait essayée pendant plusieurs décennies : cantonner l’Iran dans une certaine forme de quarantaine, ce que l’on appelait le » containment « , contenir l’Iran », juge Ahmad Salamatian. « Ce dossier nucléaire a permis aux adversaires de l’Iran islamique de le contenir dans une certaine zone à part [dans le statut] de paria, d’intouchable sur le plan international. »
L’ancien responsable politique iranien souligne également la musique sensiblement différente jouée par la France lors de ces derniers jours de négociations. « Si on se limite seulement à l’aspect nucléaire et la sauvegarde de non-prolifération, la position de la France a été depuis toujours une des positions les plus dures. Et la France a maintenu ce cap. Sur ça, en France, il y a une certaine forme d’unanimité qui dépasse la gauche et la droite », commente-t-il.
Pour lui, cette posture s’explique parce que la France, « frère cadet des membres du Conseil de sécurité qui ont l’arme nucléaire », voit cette position aux Nations unies comme « une sorte de privilège » qui permet de « réglementer les relations internationales ». Pour autant, « le résultat, c’est que même en traînant les pieds la France a cautionné l’accord », constate Ahmad Salamatian, qui estime que Paris entend apparaitre comme « une puissance qui essaierait d’être beaucoup plus méticuleuse sur le respect des engagements des uns et des autres jusqu’à l’accord définitif, fin juin ».
RFI