L’annonce de la candidature présidentielle de Moussa Dadis Camara bouleverse l’échiquier politique guinéen. Que cherche l’ex-putschiste exilé à Ouagadougou ? Sera-t-il autorisé à rentrer au pays ?
La candidature à la présidentielle d’octobre du capitaine Moussa Dadis Camara, annoncée lundi 11 mai depuis la capitale burkinabè, suscite un silence prudent au sein de la classe politique guinéenne, qui se refuse à commenter officiellement cette affaire brûlante. « On préfère attendre l’ouverture officielle du dépôt des candidatures pour réagir », confie un proche du pouvoir. « Le dossier Dadis est une patate chaude », réagit un cadre de l’opposition.
Les militants, en revanche, ne se privent guère de commentaires. Ceux de l’opposition ont tendance à se réjouir d’un éventuel retour en Guinée de l’ex-chef de la junte, au pouvoir de décembre 2008 à janvier 2010, qui pourrait rendre la région forestière (fief de Dadis) très disputée, au détriment du parti au pouvoir. Les militants de l’alliance présidentielle Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) Arc-en-ciel, apparemment défavorables à la nouvelle donne, s’étonnent du brusque soutien que certains, dans l’opposition, commenceraient à avoir pour le président des Forces patriotiques pour la démocratie et le développement (FPDD).
Dadis cherche-t-il l’immunité ?
« Dadis va jouer aux troubles fête et influencer le scrutin en terme de consignes de vote, d’alliances et d’accords à passer, analyse le juriste Mohamed Camara. L’échiquier politique de la Forêt sera émietté, ainsi que l’électorat. Toutefois, le souci primordial du capitaine n’est pas de briguer un poste électif, mais d’être à l’abri d’une quelconque poursuite judiciaire… L’affaire du 28 septembre ne connaîtra une accélération que vers 2017-2018 », pronostique-t-il.
En attendant, ajoute le juriste, au regard de la loi guinéenne, « Dadis est électeur et éligible. Il a saisi une opportunité, vu qu’il y a une crise politico-économique qui commence à devenir sociale ». Libre de se lancer en politique ? Oui, mais de rentrer en Guinée, non, ajoute-t-il : « La marge de manœuvre de Dadis est réduite. L’influence de la Guinée sur son maintien à Ouagadougou est minime par rapport à celle de la communauté internationale ».
L’avis des victimes du 28 septembre
Dadis est libre de créer son parti, abonde Asmaou Diallo, présidente de l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre (Avipa). « Nous lui demandons juste d’inclure parmi ses priorités le fait de se présenter devant la justice, pour dire la vérité sur les massacres au stade de Conakry, d’autant qu’il se dit patriote ». La volonté de Dadis de rentrer au pays rejoint ainsi le souhait de l’Avipa. « Nous avons toujours réclamé son retour pour que la lumière soit faite sur ce qui s’est passé le 28 septembre 2009 », rappele Diallo.
Lors de la campagne électorale pour la présidentielle en 2010, le candidat Alpha Condé avait assuré l’électorat de la Guinée forestière que s’il était élu, Dadis pourrait rentrer au pays. Une promesse non tenue qui laisse un goût amer aux partisans de l’ex-chef de la junte. Pour convaincre cette partie de la Guinée de le soutenir pour un second mandat, le président miserait désormais sur Boubacar Barry, l’ami de Dadis Camara, nouvellement promu ministre de l’Industrie, des Petites et moyennes entreprises et de la Promotion du secteur privé. Le soir du coup d’État militaire de 2008, c’est à ce dernier que Dadis avait confié sa famille. Une preuve de confiance entre les deux hommes. Et certains d’imaginer déjà Barry dans un rôle de médiateur entre le président guinéen et l’ancien putschiste…