Cet exercice télévisuel était inattendu. François Hollande a passé deux heures, dimanche 19 avril 2015, sur le plateau du Supplément de Canal Plus, une émission d’information spectacle pour anticiper le troisième anniversaire de son élection et donner le ton, quelques jours avant le 6 mai 2015. Deux choses à retenir : la prime d’activité pour les jeunes et la saisine du Conseil constitutionnel pour le projet de loi sur le renseignement.
C’est une initiative rarissime. Dimanche sur Canal Plus, le président a annoncé qu’il transmettait lui-même aux « sages » un texte rédigé par son propre gouvernement, à savoir le projet de loi sur le renseignement. Objectif : couper l’herbe sous le pied des parlementaires de l’opposition. La droite était en effet en train de réunir les signatures nécessaires pour une saisine.
C’est aussi une manière de rassurer la gauche et la société civile sur un thème cher : les libertés publiques. Car ils sont nombreux, notamment dans les associations de défense des droits, à juger ce texte liberticide. Au passage, le président se place aux avant-postes sur le sujet, et écarte le Premier ministre. Comme Michel Rocard défendant la loi sur les écoutes en 1991, Manuel Valls, ancien ministre de l’Intérieur, s’était en effet porté en première ligne lors de l’examen de ce texte.
Prime d’activité : « Les plus précaires sont souvent les jeunes »
Autre précision apportée par le président de la République dimanche, la prime d’activité sur les jeunes précaires de moins de 25 ans sera bien présentée en Conseil des ministres mercredi prochain, et François Hollande souhaite l’élargir, sans toutefois préciser si les étudiants, ou bien les apprentis, seront concernés. Le chef de l’Etat a parlé de toutes les personnes ayant des « petits boulots », y compris les moins de 25 ans.
« Ça concerne tous les Français, ajoute le président, mais il y avait déjà eu une idée de RSA activité. C’était Martin Hirsch qui en avait eu l’idée. Et ceux qui avaient moins de 25 ans ne pouvaient pas y avoir droit. Or, précisément, les plus précaires sont souvent les jeunes, ce sont ceux qui acceptent des petits boulots, des stages, quelques fois des contrats qui durent à peine un mois. Ceux-là pour les valoriser, pour les favoriser au plan de la reprise du travail, ils vont avoir cette prime d’activité. »
FN-PCF : Pierre Laurent goûte peu aux comparaisons du président
Ces annonces, François Hollande les a faites dans une émission mi-sérieuse, mi-humoristique. De l’infotainment ou information spectacle. Il fallait parler de drames, comme la mort de migrants en Méditerranée, ou encore de lutte contre le chômage, au milieu de questions sur les choix de costumes du président ou après une séquence dans laquelle le ministre de l’Economie chante du Joe Dassin dans les couloirs du Sénat. Au milieu de quelques fous rires, aussi. C’est ce qui s’appelle « casser les codes », et dans cet exercice totalement inédit, le président est apparu globalement à l’aise.
Avant l’émission, l’Élysée avait dit assumer la prise de risques. Pour reconquérir l’électorat, la présidence a en effet mis en place une communication ciblée : s’adresser tour à tour à chaque segment de la population. Ce dimanche, François Hollande a donc commencé, avec les jeunes et les urbains, un électorat potentiellement plus réceptif à sa politique que les classes populaires, les ouvriers et employés, qui se sont détournés du vote socialiste. Même si, il y a un mois, M. Hollande a dit vouloir arracher les électeurs au Front national et qu’il a assuré dimanche que ce combat continuait.
Au total, pas de grandes annonces mis à part celles citées plus haut, mais une petite phrase qui a fait bondir le secrétaire national du Parti communiste français (PCF) Pierre Laurent. François Hollande a assuré que la présidente du FN Marine Le Pen parlait « comme un tract du Parti communiste des années 1970 ». « Je suis scandalisé », a rétorqué sur France 2 Pierre Laurent. Et d’ajouter : « J’ai demandé au président de la République des excuses publiques pour cette phrase », qui est « lamentable ».
• Réactions politiques
Les représentants des principaux partis politiques français ont réagi aux délarations de François Hollande, à commencer par ceux de son propre camp politique. Ségolène Royal, la ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie depuis 2014, a réaffirmé la nécessité d’accélérer tout ce qui peut débloquer l’investissement d’ici la fin du quinquennat.
Du côté du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, ancien coprésident du Parti de gauche, s’insurge du bilan actuel de François Hollande et de Manuel Valls, son Premier ministre : 9 millions de pauvres en France et un départ à la retraite plus tardif depuis l’arrivée au pouvoir du PS.
Pour Florian Philippot, vice-président du Front national chargé de la stratégie et de la communication du parti, François Hollande s’est « étalé » sur son parti, sur des « sujets électoraux, électoralistes ou politiciens ».
Valérie Pécresse, députée UMP des Yvelines, ex-secrétaire générale déléguée du parti, se déclare satisfaite de la décision de François Hollande de saisir le Conseil constitutionnel sur la loi sur le renseignement.