Accros aux textos et à Facebook en classe
Environ 80 % des étudiants textent ou naviguent sur internet pendant leurs cours à l’Université Laval
L’utilisation de téléphones intelligents ou d’ordinateurs en classe à des fins personnelles dérange les enseignants de l’Université Laval. Environ 80 % des étudiants envoient des textos ou naviguent sur Facebook ou Twitter pendant les cours.
C’est ce qu’on apprend dans un sondage réalisé cet automne auprès de 2343 étudiants de premier cycle et de 371 enseignants, dont Le Journal a obtenu les résultats, qui seront rendus publics cette semaine par l’Université Laval.
Seulement 22 % des étudiants interrogés affirment ne jamais se servir de leur téléphone intelligent à des fins personnelles en classe, 28 % le font «rarement», 32 % «souvent» et 11 % «toujours».
L’envoi de textos et la navigation sur les réseaux sociaux sont les utilisations les plus répandues (voir encadré), tous types d’appareils électroniques confondus.
Plusieurs étudiants rencontrés hier sur le campus confirment ces chiffres. «Quand on est assis en arrière de la classe, tout ce qu’on voit, ce sont des pages Facebook ouvertes sur les écrans d’ordinateur», lance Nicolas, un étudiant au baccalauréat en enseignement.
D’autres en profitent aussi pour faire… du magasinage. Une étudiante a profité de son cours de psychologie hier matin pour visiter des sites de lingerie fine, ont rapporté ses collègues de classe.
«Totalement inacceptable»
Le recours aux téléphones intelligents, tablettes ou ordinateurs portables à des fins personnelles est perçu de façon négative par 77 % des enseignants consultés. Une grande majorité d’entre eux trouvent «totalement inacceptable» que des étudiants jouent à des jeux vidéo, répondent au téléphone, oublient d’éteindre leur sonnerie ou envoient des textos et des courriels pendant leur cours.
Marc-Philippe Parent, chargé de cours en informatique à l’Université Laval.
Marc-Philippe Parent est chargé de cours en informatique à l’Université Laval. «Il y a quelques années, je me suis rendu compte que les étudiants faisaient n’importe quoi avec leur ordinateur. Ils allaient sur Facebook, ils “chattaient”… Mais avec les téléphones intelligents, ç’a fait exploser la donne», affirme-t-il.
Ce dernier a décidé, il y a quatre ans, d’interdire à ses étudiants d’avoir recours au clavier pendant ses cours, lorsqu’il enseigne de façon magistrale. La situation est évidemment différente en laboratoire.
«Je devais faire la police et ça me dérangeait. Ce n’est pas vrai que les étudiants sont capables de se discipliner eux-mêmes», ajoute-t-il, conscient que ce règlement dérange. «C’est sûr que je n’achète pas la paix, contrairement à ce que font plusieurs enseignants.»
Étant aussi étudiant au doctorat, il se dit lui-même dérangé par des collègues de classe qui passent leur temps sur Facebook ou regardent des vidéos de chat sur YouTube pendant les cours.
Plusieurs étudiants partagent aussi ce point de vue. Selon l’enquête réalisée, 63 % de ceux qui ont été interrogés perçoivent de façon négative l’utilisation d’appareils mobiles en classe à des fins personnelles.
«Oui, ça me distrait, lance Andréanne Vézina, étudiante en orientation. Tant qu’à regarder le Facebook d’un autre, je me dis que je suis mieux de regarder le mien.»
De son côté, Jean-François Sénéchal, chargé de cours en philosophie, se qualifie plutôt comme un «professeur-utilisateur enthousiaste», puisqu’il se sert des téléphones cellulaires ou des ordinateurs pour interagir à l’occasion avec ses étudiants.
Mais M. Sénéchal reconnaît que la situation devient problématique lorsque l’utilisation de ces appareils en classe dérange. Il s’agit toutefois d’un «vieux problème», souligne-t-il. «Il y a toujours eu des étudiants qui ont besoin de s’évader pendant un cours. C’est un problème qui a été accentué par les nouvelles technologies.»
Pas de règlement en vue à l’Université Laval
Le groupe de travail mis sur pied par l’Université Laval ne recommande pas d’instaurer un règlement visant à encadrer l’utilisation des téléphones intelligents et autres appareils en classe.
«On ne veut pas être coercitif. On veut plutôt rédiger des lignes de conduite que les profs pourraient intégrer dans leur plan de cours», explique Pierre-Mathieu Charest, président du groupe de travail sur l’utilisation des appareils mobiles en classe. Ce comité a été mis en place en décembre 2013 «parce qu’il a été constaté que certaines situations pouvaient constituer des irritants», ajoute M. Charest.
Le guide de conduite, qui sera rédigé au cours des prochains mois, pourrait renfermer des règles de base, explique M. Charest. Ceux qui veulent consulter leur profil Facebook ne devraient pas s’asseoir en avant de la classe, mais plutôt en retrait. La sonnerie du téléphone intelligent devrait être fermée pendant les cours. «Si vous voulez utiliser vos appareils à des fins personnelles, il y a une façon de le faire», résume M. Charest.
Utiles pour enseigner
L’interdiction des appareils électroniques en classe est écartée puisque le groupe de travail recommande plutôt aux professeurs d’en tirer profit en les intégrant à leur enseignement.
Plusieurs applications pédagogiques existent, permettant par exemple aux étudiants d’utiliser leur téléphone intelligent ou leur ordinateur pour répondre à des questions en direct pendant le cours, ce qui permet à l’enseignant de savoir quelles notions méritent d’être approfondies.
Il serait par ailleurs bien difficile de faire respecter un règlement interdisant l’utilisation de téléphones intelligents en classe dans un amphithéâtre regroupant 300 étudiants, fait de son côté remarquer Amélie Beaulieu, étudiante en orientation.
Thierry Bouchard-Vincent, président de la Confédération des associations d’étudiants de l’Université Laval (CADEUL), est quant à lui d’accord avec les recommandations du groupe de travail. «Oui, il y a des gens que ça dérange en classe, mais ces appareils changent aussi la façon d’enseigner. La réalité de chaque cours est différente. En y allant avec des règles de conduite, c’est y aller de façon raisonnable et progressive.»
Journal de Montréal