Crash de l’A400M, un coup dur pour Airbus
Crash de l’A400M, un coup dur pour Airbus
Airbus, le constructeur de l’A400M, va poursuivre les vols d’essai de son avion de transport militaire. Et ce malgré l’accident qui a coûté la vie à quatre de ses employés espagnols. Ces derniers devaient être honorés lundi par une minute de silence dans toutes ses usines.
Après l’accident de l’A400M survenu à San Pablo, près de l’aéroport de Séville, samedi dernier, la France annonce que seuls les vols « prioritaires » du cargo militaire seront maintenus. Depuis 2014, l’avion est utilisé régulièrement en Afrique ou au Moyen-Orient. L’industriel Airbus souligne pour sa part qu’il « ne remet pas en cause son programme de test». Des prises de position surprenantes notent les experts : « En général, la règle c’est plutôt de clouer aux sols les avions le temps de savoir ce qu’il s’est passé », indique l’un d’eux.
En 2000, le principe de précaution avait été appliqué à la lettre, lors du crash du Concorde à Gonesse. Ce week-end, les Anglais, les Allemands, les Malaisiens et les Turcs ont décidé d’interdire les vols des quelques avions qu’ils ont déjà reçus. « Nous n’avons pas d’élément pour nous contraindre à arrêter notre flotte A400 », a déclaré le colonel Jean-Pascal Breton, chef du service de presse et de communication de l’armée de l’air française. Airbus va dans ce sens et fait comme si rien de grave n’était arrivé en disant que le programme de test va continuer. « Les communicants d’Airbus se veulent rassurants, mais ne disent pas pourquoi ils sont rassurés ! », s’amuse un journaliste ce 11 mai sur le réseau Twitter.
Il faut dire que les enjeux sont énormes. Ce lundi, l’action Airbus était en baisse de 4 %, et il y a encore plus de 150 avions à fabriquer, pour 100 millions d’euros par avion environ, sans compter l’exportation, hors des pays partenaires du programme (53 pour l’Allemagne, 50 pour la France, 27 pour l’Espagne, 22 pour la GB, 10 pour la Turquie, 7 pour la Belgique, 1 pour le Luxembourg).
Un accident sur le site du constructeur
Samedi, le crash de l’A400M a eu lieu alors que l’avion était dans la phase de vérification, c’est-à-dire lors des premiers vols à la sortie de la chaîne de montage. Cet accident intervient alors que les clients d’Airbus dénonçaient récemment des problèmes de qualités sur l’avion, que le patron d’Airbus Military Domingo Ureña-Raso a été renvoyé en janvier, et que la chaîne de montage de Séville a du mal à absorber la montée en cadence de la fabrication des avions. Certains clients, comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne, ne cachent pas leur intention de réduire leurs commandes d’A400M. La France étudie pour sa part l’achat d’une poignée d’avions américains, pour remplir certaines missions dont l’A400M est incapable (ravitaillement en vol des hélicoptères militaires et utilisation sur des terrains en latérite). Le ministère de la Défense (DGA) envisage même de réclamer des pénalités à Airbus.
Causes non élucidées
La presse espagnole assure qu’un problème a été signalé très vite après le décollage. On évoque un problème de train d’atterrissage et de volets, ce qui pourrait accréditer la perte de système hydraulique. Mais sur l’A400M, en principe, les systèmes sont « redondants », c’est-à-dire que les systèmes de secours sont multipliés afin de préserver les fonctions vitales de l’avion (électricité de bord, hydraulique, motorisation). D’après le site Flight Radar 24, l’avion volait à 170 nœuds (300 km/h) avant de plonger. Mais il volait déjà assez bas (1725 Ft), puisqu’il avait quitté la piste seulement quatre minutes avant. « Si l’avion est tombé, il a pu décrocher. Mais cela impliquerait une perte de puissance sur trois ou quatre moteurs à la fois, ce qui n’est statistiquement pas envisageable à cause d’une panne mécanique », note un spécialiste. « Un problème d’alimentation en carburant est plus plausible dans ce cas, ou alors un très gros bug sur le logiciel qui gère les moteurs. A ce stade tout est possible », conclut-il. Parfois les causes des accidents sont à peine croyables. En 1990, un chiffon oublié dans une canalisation sur un moteur d’Ariane-4 avait conduit à l’explosion de la fusée, une négligence dont Arianespace a largement tiré les leçons depuis.
L’impression d’un avion indestructible
L’A400M est un cargo impressionnant. Le diamètre de son fuselage est très supérieur aux avions comme le Transall ou l’Hercules en service actuellement. En cabine, il se manie du bout des doigts. Au décollage, c’est une impression étonnante de facilité, et le vol de croisière est très stable. Enfin, le niveau sonore est acceptable pour un avion aussi puissant. Cela reste toutefois un avion que les équipages découvrent puisqu’il est entré en service en 2013, et un vrai changement d’approche par rapport aux C-130 ou au C-160 plus anciens. Le pilotage n’est pas le même, car c’est un avion qui se programme, c’est une machine que l’on sent moins vivre même quand on est passager, a pu constater RFI qui a eu la chance de voler sur un A400M.
Dans l’armée de l’air française, les pilotes connaissent les avions de la génération précédente sur le bout des doigts. L’A400M est un avion qu’il faut encore s’approprier, il reste des réglages à faire, des logiciels à explorer plus profondément. Ce processus est en cours. Il y a maintenant des pilotes de transport qui sortent d’écoles de pilotage et qui vont directement sur A400M. C’est donc la génération iPad qui se retrouve aux commandes, des commandes très modernes. Pour eux, c’est certainement moins déstabilisant, car ils n’ont rien connu d’autres.
RFI