Le chiffre émane du Haut Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) et de l’Organisation internationale pour les migrations (IOM) : le naufrage en Méditerranée, dans la nuit de samedi à dimanche 19 avril, d’un chalutier transportant des centaines de migrants, aurait causé la mort de 800 personnes. Cette estimation est basée sur le témoignage recoupé des 28 survivants, tous arrivés à Catane, en Sicile. Il s’agit du drame le plus important de ce genre en Méditerranée.
Une foule de journalistes venus de toute l’Europe l’attendait. Un bâtiment des gardes-côtes italiens, le Gregoretti, est arrivé peu avant minuit sur le port de Catane avec, à son bord, 27 rescapés du naufrage de dimanche. Le 28e et dernier survivant de ce drame a été évacué par hélicoptère vers un hôpital de la ville depuis les lieux du naufrage.
Des habitants de Catane étaient également là, en petit nombre, relate notre envoyée spéciale dans le port, Juliette Gheerbrant. Certains criaient leur colère. « Le droit d’asile pour ne plus mourir », « ce massacre doit finir », scandaient une quinzaine de personnes. D’autres avaient apporté des fleurs pour les offrir aux rescapés mais les autorités ne les ont pas laissés passer.
Deux trafiquants arrêtés
En recoupant les témoignages, le HCR et l’OIM ont finalement établi qu’il y avait quelque 800 personnes sur le bateau qui s’est renversé à l’approche des secours, lorsque les passagers se sont précipités du même bord pour attirer l’attention dans l’espoir d’être sauvés.
Parmi eux, se trouvaient deux de leurs trafiquants, le commandant du bateau, un Tunisien, et son second, originaire de Syrie. Ils ont été immédiatement arrêtés par la police et inculpés d’homicide. Les autres ont rejoint un centre de premier accueil à Mineo, près de Catane.
Deux nouveaux appels au secours
Avec le début du printemps, les naufrages se sont multipliés depuis une dizaine de jours. Lundi encore, trois personnes dont un enfant sont mortes près de l’île de Rhodes, en Grèce, quand un voilier a heurté des rochers. Quatre-vingt-treize des passagers ont toutefois pu être sauvés. Plusieurs centaines de personnes ont également débarqué dans différents ports de Sicile, ainsi qu’à Lampedusa.
Ce lundi, le chef du Conseil italien Matteo Renzi a annoncé que deux nouvelles opérations de secours avaient été lancées. L’une des embarcations ciblées est un canot pneumatique avec 100 à 150 personnes à bord, l’autre un bateau sur lequel se trouvent environ 300 personnes. L’OIM estime de son côté que les gardes-côtes italiens n’ont pas les moyens d’agir, car ils sont déjà mobilisés par le naufrage de ce week-end. Ce sont sans doute des bâtiments commerciaux qui seront déroutés sur les zones concernées.
Un sommet extraordinaire de l’Union européenne
Ces tragédies à répétition feront l’objet d’un sommet extraordinaire de l’Union européennejeudi 23 avril prochain. Parmi les mesures imaginées pour prévenir les drames, les ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur de l’Union européenne évoquent le doublement des moyens accordés à la mission de surveillance maritime Triton, qui pourra patrouiller dans une zone plus large et devra participer aux secours. Une autre mesure envisagée est l’arraisonnement et la destruction des bateaux utilisés par les trafiquants.
Mais même si les chefs d’Etat et de gouvernement européens parviennent à un accord, il faudra le feu vert de l’ONU. Et d’aucun pointe, à l’instar du ministre espagnol de l’Intérieur Jorge Fernandez Diaz, que « tant que la Libye sera un pays en déliquescence, il est clair que nous n’arriverons pas à trouver de solution à ce drame ».
• Augmentation du nombre d’enfants seuls parmi les migrants
Alors que les naufrages et les sauvetages se multiplient, les enfants sont de plus en plus nombreux parmi les migrants. Le nombre d’adolescents non accompagnés augmente également. Giovanna Di Benedetto, de l’ONG Save The Children, dénonce l’accueil inadapté que reçoivent ces jeunes en situation de grande fragilité :
« La situation en termes d’accueil est assez critique. Surtout en ce qui concerne les mineurs non accompagnés qui sont particulièrement vulnérables à cause de leur âge, du terrible voyage qu’ils ont affronté et de leurs blessures physiques et psychologiques. Ils auraient besoin d’un accueil adapté. Or, ils sont souvent accueillis dans des centres de première urgence qui sont des structures improvisées, inadaptées, où ils ne devraient rester que quelques jours alors qu’ils y restent parfois des mois. Il faut que cette situation s’améliore. »
Et Giovanna Di Benedetto d’ajouter : « Depuis l’an dernier, on constate que c’est une tendance qui s’installe. Il y a toujours un certain nombre de mineurs à chaque débarquement, des mineurs accompagnés mais surtout des mineurs isolés, qui ont fait le voyage tout seul ou qui arrivent seuls au bout du voyage sur les côtes italiennes. » A l’instar de cette fillette de 12 ans qui s’est retrouvée seule après avoir perdu ses parents dans un naufrage de la semaine dernière.
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