Immigration clandestine : la France prône humanité et fermeté

Immigration clandestine : la France prône humanité et fermeté

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Campement précaire de migrants soudanais dans la région de Calais au mois de décembre.REUTERS/Philippe Wojazer

Pour la 3ème fois en six mois, le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est rendu à Calais, ce lundi 4 mai. Située à quelques dizaines de kilomètres de l’Angleterre, de l’autre côté de la Manche, la ville est pour beaucoup de migrants clandestins une porte d’entrée au Royaume-Uni. Mais les difficultés d’accueil de cette population de passage et la présence des passeurs ont aussi fait de Calais, depuis longtemps la ville de France la plus emblématique des problématiques liées à l’immigration clandestine.

envoyé spécial à Calais,

Comme en Sicile, le retour des beaux jours est synonyme d’afflux de migrants à Calais. Les estimations faisaient état d’un millier de personnes présentes dans la ville cet hiver. Aujourd’hui, autorités et associations s’accordent à dire que cette population de transit a doublé. Un phénomène qui se répète: l’été dernier avait connu un pic avec environ 2.500 migrants présents à Calais. Pour le ministre français de l’Intérieur, les situations à Calais comme en Sicile sont un défi que l’Europe doit relever.

Cette action communautaire doit répondre à « trois exigences » selon Bernard Cazeneuve. «Une exigence de responsabilité car l’Europe doit assumer une politique migratoire adaptée à la réalité et à ses besoins. Une exigence d’humanité car il est hors de question que l’Europe laisse la Méditerranée se transformer en cimetière. Enfin, une exigence de solidarité. D’une part entre Européens : tous ne sont pas concernés également par de tels phénomènes. Et d’autre part avec les peuples d’Afrique et du Proche-Orient. »

« Bidonville »

A Calais, face à l’urgence, le gouvernement a ouvert, avec le soutien de la municipalité et de l’Union européenne, un centre d’accueil de jour. Il est pleinement opérationnel depuis la mi-avril. C’est là désormais que tous les soirs, un repas chaud est distribué. Il offre aussi des sanitaires, des douches et un point d’information sur les droits dont les migrants disposent. Mais ce centre ferme le soir. Seules les femmes et les enfants peuvent y dormir. Les hommes, soit la grande majorité des migrants présents à Calais, doivent eux dormir dehors. Un campement s’est crée à proximité du centre, situé sur un ancien site industriel en périphérie de Calais. C’est le seul désormais toléré par les autorités. Les camps situés en centre-ville et près du port ont été démontés. « Les forces de l’ordre sont passés sur tous les camps. Elles ont demandé aux migrants de partir avant fin avril et leur ont dit sur quel terrain s’installer » explique Léo, un jeune Calaisien qui déplore que le gouvernement ait ainsi « créer un bidonville. Ils ont fait des routes d’accès pour les pompiers dans ce bidonville. Ils ont annoncé qu’ils allaient mettre de l’eau et de l’électricité. Donc on a un Etat qui assume cette position de mettre des gens dehors, à côté de la plage, en plein vent. »

Autre problème, ce centre d’accueil a une capacité d’accueil de 1.500 personnes. Moins donc que les 2.000 déjà présentes à Calais. Et comme les arrivées se comptent actuellement par dizaines chaque jour, Jean-Claude Lenoir, le président de l’associationSalam, estime que « nous ne ferons pas l’économie de faire deux ou trois centres identiques. Peut-être un à l’Est de Calais, peut-être un au Nord. 6 millions et demi d’euros ont déjà été investis dans cette structure. Ils seraient réduits à néant si demain il y avait trop de monde, si c’était saturé

Du côté du gouvernement, il n’est pour l’instant pas question d’ouvrir une autre structure d’accueil. Pour endiguer les flux migratoires, Bernard Cazeneuve compte sur deux outils : la future politique européenne migratoire actuellement en cours de préparation à Bruxelles et la réforme de l’asile en débat en France. « Cette loi doit garantir un examen rapide des demandes pour identifier sans délai les étrangers qui ont besoin de notre protection, les distinguer de ceux qui doivent être reconduits. C’est là l’exigence de responsabilité » juge le ministre français de l’Intérieur. Et il poursuit : « cette loi doit permettre de meilleures conditions d’accueil avec près de 10.000 places en centre d’accueil pour les demandeurs d’asile créées en une législature. C’est là l’exigence d’humanité.»

Hausse des demandes d’asile

Reste à convaincre les migrants présents à Calais de demander l’asile. La grande majorité d’entre eux veulent rejoindre le Royaume-Uni : soit pour y rejoindre des proches déjà établis soit parce qu’ils dénoncent des mauvais traitements subis en France. Mais pour Bernard Cazeneuve, il faut expliquer à ceux qui sont éligibles à l’asile en France qu’ils peuvent entrer dans un parcours de régularisation. S’établir en France, c’est éviter de prendre de nouveaux risques pour gagner l’autre rive de la Manche. La traversée coûte régulièrement la vie à deux qui la tentent. Le ministre de l’Intérieur estime aussi qu’il faut déconstruire le discours des passeurs qui incitent les migrants à rejoindre le Royaume-Uni puisqu’ils monnayent leur aide pour rejoindre le pays. Bernard Cazeneuve insiste donc sur la nécessité de faire un effort de communication à destination des migrants. Et à l’en croire, cette politique paye : 885 demandes d’asile ont été enregistrées l’an dernier dans le Calaisis. C’est plus du double par rapport à l’année précédente (399). Et il se félicite de la tendance enregistré depuis le début de l’année 2015 : 455 demandes enregistrées.

Mais pour Bernard Cazeneuve, pour être soutenable, cette politique d’accueil s’accompagne d’une nécessité de fermeté : reconduite aux frontières de ceux qui relèvent de l’immigration économique et qui ne peuvent prétendre à l’asile politique. « Ni les pays de départ, ni les pays d’accueil n’ont intérêt à ce que de tels flux migratoires se maintiennent » juge t-il. Il prône une véritable diplomatie des migrations et du développement. Et il se rendra la semaine prochaine au Niger, Tchad et Cameroun pour évoquer le sujet avec ses homologues.

RFI