Les « boîtes noires » du cyber-renseignement français
Un collectif d’hébergeurs français de données informatiques menacent de délocaliser leurs réseaux dans d’autre pays, si la loi renseignement, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, est adoptée. Ils protestent contre la « captation en temps réel des données de connexion » à l’aide de « boîtes noires » qui espionneront directement leurs machines et leurs abonnés.
En France, les comportements suspects sur internet seront désormais traqués grâce à la captation à la volée les connexions des internautes qui transitent obligatoirement par les ordinateurs des fournisseurs d’accès. Ce programme de surveillance de masse, prévu dans la Loi renseignement actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, inquiète les professionnels du numérique comme OVH, Online (groupe Iliad), la maison mère de Free ou encore l’Association française des hébergeurs agréés de données de santé à caractère personnel. Ces sociétés hébergent les données des particuliers et celles des entreprises. Elles se sont regroupées en collectif, pour dénoncer un dispositif opaque et sans véritable contrôle.
Les entreprises du web tirent la sonnette d’alarme
«Les entreprises du web devront faire face à la perte de confiance de leurs clients étrangers», explique Laurent Chemla, membre de la Quadrature du Net, association militant pour les libertés numérique en France et cofondateur de Gandi en 1999 : l’un des premiers « registrar » français, habilité à enregistrer le nom d’un site internet en garantissant la fiabilité de son hébergement. « On sait qu’aux Etats-Unis, suite à l’adoption du Patriot Act, les principaux fournisseurs de service ont perdu 30% de leur chiffre d’affaires. Moi, je suis une entreprise étrangère,je ne mets pas mes services dans un pays où on va regarder mes secrets industriels pour en faire profiter les champions nationaux. C’est une évidence. A partir du moment où un gouvernement passe des lois qui disent à partir de maintenant ‘on aura le droit d’espionner tout le monde’, on va se faire héberger ailleurs, c’est tout à fait logique oui !»
Quelques professions échapperaient à la cyber-surveillance
Dès le lancement des débats à l’Assemblée nationale, le gouvernement déposait un amendement pour protéger certaines professions dites « sensibles ». Ainsi les magistrats, parlementaires, avocats et journalistes échapperaient, sous certaines conditions, à la cyber-surveillance de masse. Les « boîtes noires » du renseignement français sauront-elles faire la distinctionentre la connexion d’un parlementaire et celle d’un citoyen ordinaire, ou même repérer les activités terroristes ? Personne ne le sait ! Leur fonctionnement n’a pas été révélé, le gouvernement gardant secrète leur capacité d’écoute et d’analyse de la Toile.