Migrants: pour les survivants, le goût amer de l’arrivée en Europe
Dans le sud de l’Italie, la Croix-Rouge est mobilisée pour faire face aux arrivées quotidiennes d’hommes et de femmes qui fuient les guerres, les persécutions, ou qui rêvent simplement d’une autre vie. Elle intervient à chaque débarquement, pour apporter une aide sanitaire, psychologique et logistique. Lors du naufrage de dimanche, Francesco Rocca, directeur général de l’organisation en Italie, était à Catane pour accueillir les survivants. Le bateau de la marine qui les ramenait de Malte est entré au port dans la nuit de lundi à mardi 21 avril. Il raconte sa rencontre avec les rescapés.
Avec notre envoyée spéciale à Catane en Sicile, Juliette Gheerbrant
Francesco Rocca est monté à bord du Gregoretti, le bâtiment des gardes-côtes italiens, pour expliquer aux rescapés, avec des médiateurs culturels et des psychologues, de quelle manière ils allaient être pris en charge dans les heures et les jours suivants au centre d’accueil de Mineo, près de Catane. C’est le rôle de l’organisation, qui ne recueille pas les premiers témoignages.
Les traumatismes multiples des survivants
Sur le bateau, le directeur de la Croix-Rouge italienne a été frappé par l’extrême désolation des 27 miraculés du naufrage (le 28e avait été évacué par hélicoptère). Aucune trace sur leur visage du soulagement ou de la joie qu’expriment généralement les rescapés lorsqu’ils sont enfin en sécurité.
Les survivants savaient que la plus grande partie des personnes à bord du bateau était enfermée dans les deux niveaux inférieurs et que ces dernières se sont noyées ainsi, sans avoir une chance de lutter (lire aussi : Mort de 800 migrants en Méditerranée: le parquet charge les passeurs).
Mais les traumatismes subis par les migrants commencent bien avant la traversée. « Cet homme m’a répété à plusieurs reprises : » Vous n’avez pas idée de ce qui se passe en Libye, vous n’avez pas idée des violences que nous avons subies » », se souvient encore Francesco Rocca. La Libye est un pays livré au chaos, où les trafiquants peuvent torturer et exploiter les migrants comme bon leur semble.
La Croix-Rouge en première ligne
Devant l’ampleur de cette dernière tragédie, le secrétaire général de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Elhadj As Sy, s’est déplacé à Catane pour soutenir les volontaires italiens et mobiliser la communauté internationale.
« Nous sommes là d’abord pour nous rendre compte de visu de la situation qui ne dit pas toute son histoire, parce que ceux qui devraient la dire, en grande majorité, ne sont pas arrivés à bon port. Nous en sommes déjà à des milliers de gens qui ont perdu la vie dans ces traversées, certains mus simplement par un désir de mieux être et la recherche de situations beaucoup plus favorables pour retrouver ce qu’ils ont perdu et qui était le plus cher pour eux, notamment la dignité humaine », explique Elhadj As Sy.
Il précise : « C’est donc en appui de la société nationale de la Croix-Rouge italienne que nous sommes ici, pour vraiment appeler à une halte à l’indifférence notoire qui est en train de se manifester de toute part. Nous sommes également présents, bien entendu, pour apporter davantage de soutien pour une réponse beaucoup plus appuyée en termes de logistique, santé et autres nécessités auxquelles nous faisons face en ce moment. »
• Des drames qui restent sans réponses
A chaque nouveau drame, la question se pose avec toujours plus d’acuité : quelles réponses apporter à l’afflux de migrants en Méditerranée ? Comment éviter les tragédies ? Pour Ségolène Royal, ministre française de l’Ecologie, qui était l’invitée de Mardi Politique sur RFI, il faut tabler sur le développement des pays du Sud et les résultats de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015, la COP21.
« On sait bien que c’est en comblant aussi les écarts de développement entre le Nord et le Sud que l’on mettra fin aux migrations de la misère, explique Mme Royal. Et de ce point de vue, la question climatique renforce les risques de toutes ces migrations, parce qu’on parle maintenant de migrations climatiques, c’est-à-dire de populations qui fuient l’avancée des déserts, qui fuient la raréfaction de l’eau potable, qui suivent la déforestation aussi. Et donc, dans l’échéance de la Conférence climat, il y a à mon avis les solutions aussi pour régler le problème de la pauvreté et le problème du sous-développement, le problème de la misère en général. »