Trois ans se sont écoulés depuis que la famine a frappé la Somalie et fait plus de 250 000 morts, pour plus de la moitié des enfants. Mais de nombreux Somaliens continuent d’avoir faim.
Dans une petite clinique du quartier de Yaqshid, à Mogadiscio, des enfants souffrant de malnutrition, souvent aggravée par des problèmes respiratoires ou de l’appareil digestif, reçoivent des traitements vitaux, mais qui commencent à manquer.
Zakaria, âgé d’à peine sept mois, a été admis dans ce centre de soins spécialisé en état de malnutrition aiguë et avec une infection du système respiratoire.
Après six jours d’antibiotiques et de rations de lait fortifié, son corps minuscule est toujours émacié, sans énergie. Mais sa maman, Baarlin Hassan Nuur, 30 ans, le trouve en bien meilleure forme.
« Quand j’ai amené mon fils, il était très malade et vulnérable, mais il va mieux, il a l’air beaucoup mieux », explique cette vendeuse de rue.
La jeune femme a quitté la petite ville de Balad, à une trentaine de kilomètres au nord de Mogadiscio, pour la capitale somalienne, quand la sécheresse saisonnière a frappé la ferme de son père.
Malnutrition et complications
Autour d’elle et de son bébé, d’autres enfants, âgés d’un à cinq ans, sont aussi soignés. L’un d’eux a contracté la tuberculose, un autre un problème digestif après avoir été nourri au lait de vache parce qu’il refusait le sein.
Dans sa clinique, Yusuf Cheikh Abdi, nutritionniste, manque cependant cruellement de moyens.
« Pour traiter les maladies, nous devons allier aliments et antibiotiques », dit-il. « Le traitement ne marche pas sans antibiotiques », poursuit-il, en montrant les étagères et placards vides de sa pharmacie.
Tout ce qu’il lui reste tient dans un coin de la pièce : une petite pile de lait en poudre fortifié et de +plumpy nut+, une pâte énergétique à base d’arachide et à haute teneur en protéines, conçue spécialement pour la réalimentation des enfants dénutris.
« Nous n’allons plus pouvoir admettre (d’enfants) dans les jours à venir », se désole-t-il. Quelques semaines plus tôt, un enfant souffrant de malnutrition et de complications est mort dans son hôpital.
200 000 enfants exposés à la malnutrition
La famine qui a ravagé la Somalie en 2011 et 2012 a décimé près de 5% de la population et 10% de ses enfants. Conséquence d’une nouvelle sécheresse dans la Corne de l’Afrique, la situation a été aggravée dans ce pays par l’interminable conflit qui le ronge depuis 1991.
A l’époque, M. Abdi travaillait dans la région du Moyen Shabelle, au sud de Mogadiscio, touchée par la famine. « A cette époque, la malnutrition était élevée. Depuis, elle a diminué, mais un peu seulement. Pour de nombreux Somaliens, elle est encore d’actualité », déplore-t-il.
L’immense majorité des personnes qui continuent d’avoir faim sont celles qui avaient dû quitter leurs régions pour fuir la famine.
Trois ans plus tard, elles vivent toujours dans des camps de fortune, faits de tentes constituées de sacs en plastique et de branchages, aménagés entre les bâtiments en construction de la capitale somalienne.
Elles n’ont qu’un accès limité à l’eau potable, à des sanitaires, à des soins de santé et à la nourriture de base. Les enfants, vulnérables, tombent facilement malades.
Des hauts et des bas
La situation s’améliore parfois, s’aggrave de nouveau aussi de temps à autre. « Il y a en permanence des hauts et des bas, qui dépendent des pluies, mais il y a toujours environ 200.000 enfants souffrant de malnutrition », explique Jean-Michel Delmotte, responsable du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) en Somalie.
Selon lui, la période actuelle est plutôt une période de « stabilisation », dont il faut profiter pour renforcer la capacité de résistance de la population.
Parmi les 203.000 enfants somaliens qui, selon l’ONU, continuent de souffrir de malnutrition aiguë, 38.000 ont besoin des traitements vitaux que tente de fournir M. Abdi dans son établissement.
C’est moins que l’an dernier à la même époque. Mais la situation n’en est pas moins critique : avec des conflits qui font rage en Syrie, en Irak ou en République centrafricaine, moins de fonds parviennent en Somalie. Et donc moins de médicaments.
« Nous devons faire mieux avec moins, ou différemment », résume M. Delmotte.
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