Surmortalité des arbres en Amazonie, le puits de carbone décline

La forêt amazonienne est en train de perdre sa capacité à absorber le dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre dans l’atmosphère, du fait d’une surmortalité des arbres, révèle une étude menée sur plus de 30 ans, publiée dans la revue Nature.

Ces conclusions font suite à un vaste inventaire mené par les chercheurs, qui ont étudié pendant plus de 30 ans le sort de 321 parcelles de forêt amazonienne, suivant la croissance de 200 000 arbres, consignant les disparition et naissance de chacun d’eux.
Pendant des décennies, l’Amazonie a joué un rôle de «puits de carbone» en absorbant plus de carbone qu’elle n’en rejetait, aidant ainsi à limiter l’impact du réchauffement planétaire. Mais cela est en train de changer, à en croire les résultats de cette étude, conduite par près de 100 chercheurs de huit pays sous la direction de l’Université de Leeds, dont des chercheurs du Cirad, du CNRS et de l’Inra.
Le stockage par la forêt amazonienne, d’un pic de 2 milliards de tonnes de dioxyde de carbone stockées annuellement dans les années 1990, a diminué de moitié, dépassé désormais par les émissions fossiles de l’Amérique latine, souligne l’étude.
«Le taux de mortalité des arbres a augmenté de plus d’un tiers depuis le milieu des années 80, et cela altère la capacité de l’Amazonie à stocker le carbone», explique Roel Brienen, de la faculté de géographie de l’Université de Leeds.

Ces résultats vont à l’encontre de ce qui jusqu’ici pouvait laisser penser que de fortes concentrations de CO2 étaient bonnes pour l’effet «puits de carbone» des forêts.
En effet, la hausse du CO2 dans l’atmosphère, un des composants-clé pour la photosynthèse, a d’abord favorisé la capacité de stockage des arbres amazoniens et leur croissance. Mais un changement de régime semble être proche, cette croissance plus rapide s’accompagnant aussi d’une surmortalité, montre l’étude.
«Avec le temps, la stimulation de la croissance affecte le système; les arbres vivent plus vite et meurent plus jeunes», relève le chercheur Oliver Phillips, coordonnateur de ce projet «Rainfor».
D’autres facteurs pourraient contribuer aussi à expliquer cette mortalité, notamment des sécheresses et des températures anormalement élevées. L’étude montre que la hausse de la mortalité a commencé bien avant la grande sécheresse de 2005, mais elle montre aussi que les épisodes de sécheresse de 2005 et 2010 ont conduit à la mort de millions d’arbres en plus.
«Partout sur Terre, même les forêts intactes changent», souligne M. Phillips. «Les forêts nous rendent un énorme service, mais nous ne pouvons plus compter seulement sur elles pour résoudre le problème du carbone», ajoute-t-il, relevant plutôt qu’«il faudra agir pour réduire plus encore les émissions (de gaz à effet de serre) pour stabiliser notre climat».

journal de Montréal (AFP)