L’Afrique de l’Est règne sans partage sur le cross country
L’Afrique de l’Est règne sans partage sur le cross country
Les Championnats du monde 2015 de cross country – de la course à pieds d’endurance dans la nature – se déroulent ce 28 mars à Guiyang en Chine. Les athlètes d’Afrique de l’Est devraient encore y écraser la concurrence. Ils règnent sans partage sur cette discipline depuis plus de vingt ans. Explications.
Devinette : pourquoi les Championnats du monde 2002 de cross country sont un moment un peu à part dans l’histoire de cette discipline ? Parce que c’est la seule édition récente où on trouve un podium sans athlète venu(e) d’Afrique de l’Est…
Cette année-là, la Britannique Paula Radcliffe et les Américaines Deena Drossin et Colleen de Reuck avaient damné le pion aux Ethiopiennes et aux Kényanes. Un exploit rarissime, durant ces courses à pieds d’endurance dans la nature.
Depuis les Mondiaux 1995, les coureurs et coureuses venu(e)s d’Afrique de l’Est ont en effet remporté en moyenne près de 4 médailles sur 5 (79,4%) aux Championnats du monde de cross country, dont 9 médailles d’or sur 10 (93%) en moyenne…
A titre de comparaison, durant la même période, les Est-Africain(e)s ont remporté les deux tiers (62%) des médailles aux Jeux olympiques lors des courses de fond (5.000 mètres, 10.000 mètres et marathon) et un peu moins (59,4%) aux Mondiaux d’athlétisme. C’est dire donc si les Est-Africain(e)s sont les maîtres absolus du cross country.
Les Mondiaux 2015, qui vont avoir lieu ce 28 mars à Guiyang en Chine, ne risquent pas de changer la donne. « Il n’y a aucune chance pour que les athlètes français gagnent une médaille durant ces Mondiaux, lâche sans émotion Jean-François Pontier, le manager des disciplineshors-stade au sein de la Fédération française d’athlétisme. Certains Français ont fait l’impasse sur ces Championnats parce que […] finir 20ème ou 25eme n’amène pas grand-chose. Ils préfèrent préparer une autre compétition qui pourrait davantage les valoriser ».
Ces Mondiaux 2015 tombent en effet à quelques jours des Marathons de Rome (22 mars), de Paris (12 avril) ou de Boston (20 avril). Plusieurs ténors kényans et éthiopiens ont ainsi décidé de faire l’impasse sur Guiyang 2015. Mais même malgré leurs absences, il ne faut pas se faire d’illusion, assure Jean-François Pontier : « Le Kenya et l’Ethiopie ont suffisamment d’athlètes performants pour gagner encore cette année. […] Même le 5ème ou le 6eme meilleur Kényan reste plus fort que le meilleur Européen pour l’instant. » Il ajoute : « Et quand des Européens rivalisent, il s’agit d’athlètes originaires d’Afrique de l’Est comme le Britannique Mo Farah. »
La souveraineté est-africaine est telle qu’elle a fini par écœurer les autres. « Les Mondiaux de Cross étaient très prisés par tous les pays européens jusque dans les années 1980 et 1990, souligne Jean-François Pontier. Mais l’hégémonie africaine a provoqué une désaffection européenne ».
Prédisposés pour le cross
Pire, les Est-Africains écument désormais les cross d’Europe avec une réussite insolente. « Les gros cross country se situent en Europe, particulièrement en France, en Espagne, en Italie et en Grande-Bretagne, souligne Jean-François Pontier. Durant la période des cross, de novembre à février, les épreuves sont dominées par les athlètes d’Afrique de l’Est. A partir du moment où le cross a une certaine notoriété et qu’il y a des primes à l’arrivée, les athlètes kényans, éthiopiens, ougandais, sont devant dans ces courses-là ».
Mais pourquoi les athlètes d’Afrique de l’Est sont-ils encore plus forts que sur piste ? « Ces athlètes sont habitués à courir dans un milieu naturel, expose Jean-François Pontier. Au Kenya, par exemple, il y a deux pistes synthétiques. Or, ils ne s’entraînent jamais sur ces surfaces. Ils s’entraînent toujours sur des chemins qui ne sont pas en très bon état. Ils développent ainsi des aptitudes plus intéressantes pour une discipline comme le cross country, où on court dans des champs ou des terrains assez instables. Le fait de développer ces aptitudes dès le plus jeune âge, ça leur permet d’avoir des aptitudes intéressantes pour le cross country en particulier ».
Il complète : « C’est un métier pour eux. Ils ne recherchent pas la gloire. Leur objectif est d’aller sur des courses ou ils sont capables de monnayer leur talent. Dans les courses de montagne et dans les trails (1) par exemple, il n’y a pas assez d’argent. » Il conclut : « Mais il n’y aurait aucune raison pour qu’il ne soit pas performants sur ce type d’épreuves, après avoir subi un entraînement assez spécifique. » Les traileurs ont donc du souci à sa faire.
(1) Le cross country se court sur des distances plus courtes que le trail, la plupart du temps sur des circuits ou des boucles assez courtes (1 à 2 kilomètres). Les parcours en trail sont plus longs et avec plus de dénivelés.
RFI