Au terme d’une procédure internationale d’arbitrage, la suspension des Lions de l’Atlas des CAN 2017 et 2019 a été annulée. Entretien avec l’un des avocats de la partie marocaine.
Le 2 avril, le Tribunal arbitral du sport (TAS) a tranché : le Maroc pourra participer aux Coupes d’Afrique des nations (CAN) 2017 et 2019, desquelles la Confédération africaine de football (CAF) l’avait exclu en raison de son refus d’accueillir l’édition 2015 à cause des risques liés au virus Ebola. Laurent Sablé, un des avocats qui a plaidé la cause du royaume, revient sur un bras de fer qui a tenu les Marocains en haleine.
Jeune afrique : Comment avez-vous été amené à vous saisir du dossier ?
Laurent Sablé : Le 12 novembre 2014, quelques jours après que le Maroc a demandé le report de la CAN 2015, notre cabinet, JeantetAssociés, est entré en contact avec la Fédération royale marocaine de football [FRMF]. Laquelle souhaitait que son dossier soit porté par des juristes qui connaissent bien le Maroc et qui aient une fibre africaine. Nous avons donc travaillé avec plusieurs confrères, comme le cabinet suisse Libra - le TAS est basé à Lausanne - ou Habib Cissé, un avocat d’origine sénégalaise inscrit au barreau de Paris. Avec mes collègues, le Marocain Youssef Hassouni et les Français Yves Repiquet [qui a défendu le numéro un du contre-espionnage marocain Abdellatif Hammouchi dans l’affaire dite de la gifle de Neuilly], Michel Boyon et Paul Cocchiello, nous avons rédigé la demande d’arbitrage pour la soumettre au tribunal.
Comment le Maroc a-t-il réussi à obtenir gain de cause ?
Il faut nuancer. Le Maroc a tout de même été condamné à payer une amende de 50 000 dollars, le TAS ayant conclu que le virus Ebola ne pouvait constituer un cas de force majeure justifiant un report de la CAN. En revanche, la suspension des CAN 2017 et 2019 décidée par la CAF a été jugée disproportionnée et a donc été annulée. C’est une très bonne décision. La CAF, qui a pris acte du jugement, s’estimait en droit de taper du poing sur la table à cause des pertes financières qu’elle allait essuyer, tandis que le Maroc jugeait sa demande de report légitime à cause du risque de propagation du virus Ebola [en novembre 2014, le virus avait fait 5 000 morts]. Finalement, le tribunal a permis aux deux parties de sortir la tête haute.
Les sanctions de la CAF étaient-elles réglementaires ?
L’exclusion d’un pays organisateur de la CAN dans le cas où celui-ci demande le report de la compétition ne figure pas dans le règlement de la CAF. C’est une mesure disciplinaire que le TAS a jugée injuste, d’autant que le Maroc a déjà été sanctionné en étant exclu d’office de la CAN 2015, qui s’est tenue en Guinée équatoriale. Quant à l’amende de 1 million de dollars, elle ne figurait pas non plus dans le règlement de la CAF et a été ajoutée a posteriori. Considérant que les actes reprochés au Maroc étaient antérieurs à cette nouvelle clause, le TAS a ramené l’amende à 50 000 dollars.
Il y avait donc un vide juridique...
Tout à fait. Et c’est en cela que cette affaire constitue un cas de jurisprudence.
La CAF a aussi demandé 8 millions d’euros de dommages et intérêts. Quelle a été la décision du TAS ?
Il a renvoyé la CAF à la Cour d’arbitrage de Paris, qui est compétente pour instruire ce contentieux. La CAF serait dans son droit de la saisir. Mais je ne pense pas qu’elle le fera compte tenu des discussions avec la FRMF pour trouver un arrangement à l’amiable. Mon sentiment est que l’heure est à la réconciliation. Fini les procès en justice, place au sport !
Le canal diplomatique a-t-il été activé ?
Le TAS est un tribunal totalement indépendant. Mais le sport est un petit monde. Ce que je peux vous dire, c’est que de grands dirigeants de la planète sportive ont apporté leur grain de sel pour permettre au Maroc de réintégrer les compétitions africaines. Des membres de la Fédération internationale de football association (Fifa) sont-ils intervenus ? Notre cabinet s’est borné à défendre les intérêts de la FRMF devant le TAS. Mais je présume qu’il y a eu des rencontres avec la Fifa, dont Issa Hayatou, président de la CAF, est le numéro deux. Je pense que lui et ses collègues ont opté pour le dialogue.